Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
388
REVUE DES DEUX MONDES.

1775 : les gardes de la porte, les gendarmes et les chevau-légers de la garde, les mousquetaires, les grenadiers à cheval, la gendarmerie et les Suisses de Monsieur. Certains corps, en outre, avaient subi de sensibles réductions, les gardes notamment ; une première fois en 1775, la seconde tout récemment[1].

Naturellement, ces réformes et ces réductions avaient rencontré beaucoup d’opposition et provoqué de grands mécontentemens. Elles avaient été pour beaucoup dans la chute du ministre de la guerre le plus résolument novateur qu’ait eu le XVIIIe siècle, le comte de Saint-Germain. Et le conseil de la guerre lui-même[2], en dépit de ses bonnes intentions et de l’esprit libéral qui animait plusieurs de ses membres, avait dû reculer devant la résistance des privilégiés. Il eût volontiers sinon supprimé, du moins réduit l’institution elle-même au strict nécessaire, comme le voulait déjà l’aristocratique Saint-Simon lui-même, à l’époque de la régence. Il n’osa. Aucune réforme pourtant n’était plus indiquée, ni n’eût été mieux accueillie, non-seulement par l’opinion, mais encore par les gens de guerre. Une nombreuse maison militaire avait eu raison d’être aux siècles derniers, alors que le roi de France était le premier capitaine de son armée, comme Henri IV ou François Ier, ou qu’il en dirigeait encore de temps en temps les opérations, comme Louis XIV et Louis XV. Il fallait bien, quand le souverain venait au camp, qu’il y parût environné de tout l’éclat dont l’ancien régime aimait à rehausser la personne royale, entouré de l’élite de sa noblesse, et que cette élite fût de force à porter au besoin, comme au siège de Valenciennes, le coup décisif à l’ennemi. En 1789, avec un roi comme Louis XVI et des princes comme le comte de Provence et le duc d’Artois, la Maison militaire ne constituait plus qu’un coûteux anachronisme. Depuis Fontenoy, où elle avait brillé d’un si vif éclat, elle n’avait paru sur aucun champ de bataille ; c’avait été sa plus belle, mais aussi sa dernière page, et son principal office, en dehors de la garde du roi, n’était plus dorénavant qu’un service d’ordre intérieur. Tantôt, en cas de troubles, elle renforçait le guet ; tantôt, dans les querelles de la cour et du parlement, elle portait les lettres de cachet et les ordres d’exil. Bref, elle avait perdu beaucoup de son prestige et de son utilité. Sa

  1. Ordonnance du 2 mars 1788 portant réduction à un seul bataillon des quatre compagnies des gardes du corps.
  2. Créé par un règlement du 9 octobre 1787, ce règlement avait partagé l’administration de la guerre entre le ministre secrétaire d’état de ce département et le conseil, «de manière que le premier restât chargé de toute la partie active et exécutive de l’administration, et que le second le fût de toute la partie législative et consultative. »