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l’intérêt de sa suprématie ou de sa sécurité au centre de l’Europe. Il n’aura pas, sans doute, réussi à modifier sensiblement la direction de la politique russe, qui trouve aujourd’hui sa meilleure garantie dans l’indépendance où elle paraît décidée à se retrancher et à se maintenir; il aura dans tous les cas prouvé, une fois de plus, qu’il était homme à se servir de tout, à ne reculer devant aucune évolution, à tenter hardiment de renouer avec la Russie, au risque d’embarrasser l’Autriche, avec laquelle il venait de renouveler son alliance, de même que récemment encore, au moment où il enchaînait l’Italie à sa cause, il ne craignait pas de reconnaître, de relever l’autorité politique du pape, du souverain du Vatican dans les affaires du monde.

Chose étrange, en effet, singulièrement caractéristique aux temps où nous sommes, que cette sorte de réapparition de l’autorité pontificale dans la mêlée des puissances terrestres, dans l’imbroglio des influences diplomatiques! Qui aurait pensé, il y a dix ans seulement, à la veille de l’élection d’un nouveau chef de l’église, que le pape sorti du conclave, enfermé ou exilé au Vatican, serait avant peu recherché dans sa solitude, consulté, invoqué comme arbitre dans les différends des gouvernemens? Qui aurait cru que la protestante Allemagne serait la première à relever l’autorité du pontife de Rome, que des questions qui paraissaient tranchées par les événemens, qui touchent aux conditions d’existence du saint-siège, à ses relations avec l’Italie, ne tarderaient pas à renaître par une sorte de logique intime des choses? C’est pourtant ce qui arrive, c’est la situation qui se développe par degrés depuis que Léon XIII a ceint la tiare, et de tous les phénomènes politiques du temps, celui-là est certainement un des plus curieux, un des plus caractéristiques; il touche à tout, il se mêle à toutes les combinaisons, et on peut dire que, dès ce moment, il a son influence au-delà des Alpes. Plus d’une fois déjà, depuis quelque temps, on a parlé de négociations qui se rouvriraient ou qui auraient été rouvertes entre le Vatican et le Quirinal pour mettre un à une situation que le chef de l’église déclarait récemment encore intolérable. Il y aurait eu des essais de réconciliation ou de conciliation, même, dit-on, des projets plus ou moins précis, destinés à préparer une sorte d’ordre nouveau, à régulariser la coexistence des deux puissances à Rome. En un mot, le problème des rapports de la papauté et de l’Italie se débat de nouveau discrètement; on ne peut assurément se faire illusion, le problème n’est pas facile à résoudre, d’autant plus qu’il y a des points sur lesquels les deux pouvoirs en présence sont réduits à ne pas même s’expliquer trop distinctement et ne peuvent s’entendre que par une diplomatie habile aux réticences et aux euphémismes. La question directe entre l’hôte du Vatican et l’hôte du Quirinal est probablement destinée à passer par bien des phases avant d’arriver à un dénoûment ; mais ce qui n’est point douteux dans tous