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vicieux, malheureux et débiles, qui, sans elles, risqueraient d’être à jamais perdus. Elles enseignent à vivre, elles font continuer à vivre, elles aident à cesser de vivre. Elles font ainsi acte de salut individuel et de préservation sociale.


I. — L’ECOLE INDUSTRIELLE.

C’est une œuvre préventive qui a été conçue loin de Paris, au département de Lot-et-Garonne, dans la petite ville de Montilanquin. Là, M. E. Robin était pasteur protestant, il y a une trentaine d’années ; entraîné par son zèle, il ne se contentait pas de faire le culte pour ses coreligionnaires, il visitait les prisonniers et se rendait souvent à l’ancienne abbaye d’Eysses, située près de Villeneuve, et que l’administration pénitentiaire a convertie en maison centrale. Sur une population moyenne d’un millier de condamnés, M. Robin, trouva quarante protestans ; il devint leur aumônier, eut avec eux des rapports aussi fréquens que le permettait l’éloignement de sa résidence, et, s’efforçant de réveiller les bons sentimens qui s’étaient endormis dans leur cœur, il tenta de les ramener au bien, ou tout au moins de les éloigner du mal. Sa parole ne fut point inutile ; il put s’en convaincre en constatant qu’en l’espace de dix ans le nombre des récidivistes appartenant à la religion réformée avait diminué des deux tiers. Il attribua ce résultat à l’action morale qu’il avait exercée sur les détenus. Cette observation fit naître en lui une idée simple, dont l’application pouvait devenir féconde. Il se dit que, s’il est possible d’agir sur des coupables que la loi a frappés et que la société repousse, à plus forte raison il doit être facile d’expérimenter sur des natures encore jeunes, mais prédisposées aux actions mauvaises, une méthode préventive qui les éloignerait des délits et des crimes ; en un mot, il voulut traiter la maladie avant qu’elle ne fût déclarée, semblable à un médecin qui, reconnaissant certains symptômes morbides, les combattrait par un régime raisonné de prophylaxie. Un vieil axiome juridique dit : réprimer est bien, prévenir est mieux ; il s’en inspira : il résolut de saisir le mal au moment de l’éclosion et de le neutraliser autant qu’il se pourrait. Le milieu où il vivait, dans une petite ville de province, était peu propice à la réalisation de son projet ; les élémens lui faisaient défaut, et nul enfant pervers ou perverti ne lui offrait le moyen de commencer son expérience.

Après être resté quinze ans à Montilanquin, toujours théoriquement préoccupé de la pensée qui le hantait, le pasteur Robin fut appelé à Paris et chargé de la direction de la paroisse de Belleville. Le poste était de choix, et la pêche pouvait être abondante, car il