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enfans abandonnés. La première séance eut lieu le 16 avril 1874 ; j’en ai le procès-verbal sous les yeux, et, parmi les assistans, je compte les principaux banquiers protestans de Paris. On leur offrait une œuvre de bien à accomplir, ils n’hésitèrent pas ; la création de la Société protectrice fut admise en principe.

Le 26 avril, la fondation définitive fut votée ; on nomme une commission d’élaboration pour fixer les attributions et rédiger le règlement de l’établissement qui allait naître. Au cours de la discussion, on demande quelques renseignemens statistiques, afin d’être fixé sur l’importance de la maison qu’il s’agit d’ouvrir ; le pasteur Robin répond : « Parmi les hommes condamnés, on compte 1 protestant sur 43, et pour les enfans, 1 seulement sur 81. » Pour bien savoir ce que l’on voulait faire, on s’était inspiré de l’expérience des pays étrangers, et c’est à l’Angleterre que l’on avait demandé des leçons à suivre. Le parlement anglais ayant constaté que l’emprisonnement et la séquestration, sous prétexte de correction paternelle, ne produisent que des résultats négatifs, sinon pernicieux, vota, en 1857, la création d’établissemens exclusivement consacrés à l’enfance insoumise, vicieuse, vagabonde, et les désigna sous le nom d’écoles industrielles, spécifiant ainsi le but que l’on visait et qui est de donner aux enfans l’instruction primaire, tout en leur enseignant un métier. La multiplication de ces écoles a été rapide : en 1861, on en comptait 40, et plus de 100 en 1872. Le résultat est appréciable, car le nombre des jeunes détenus ayant commis des délits ou des crimes a diminué de 20 pour 100. L’exemple était encourageant, et, dans les proportions minimes où l’on pouvait agir, on se modela sur les méthodes adoptées en Angleterre et en Amérique. Le premier soin fut de déterminer les conditions d’admission des enfans : « 1° être protestant ; 2° être âgé de dix ans révolus et de moins de seize ans ; 3° signer un contrat d’apprentissage dont la durée n’est pas moindre de quatre ans ; 4° fournir un certificat de médecin attestant que l’enfant jouit d’une bonne santé habituelle et a été vacciné ; 5° payer une pension mensuelle de 30 francs, plus le trousseau d’entrée qui est de 60 francs. » Relativement à cette dernière clause, il restait sous-entendu que si les familles ne pouvaient acquitter les frais de l’école, la charité protestante y pourvoirait : elle y pourvoit.

On ne put éviter les tâtonnemens ; toute œuvre qui débute en rencontre et s’y heurte ; il ne faut point s’en plaindre, car souvent c’est de là que se forme l’expérience qui permet de rassembler ses forces, de concentrer son action bienfaisante et d’être réellement utile. On procéda avec prudence, et ce fut seulement quatre années après les premières réunions dont je viens de parler que « la