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voit des rues bordées de hautes maisons, et tout au bout de l’ancien village, auprès de la barrière de Romainville, un enclos sinistre où le crime accomplit le plus incompréhensible de ses forfaits, et où la commune a pour jamais attaché à son souvenir celui du massacre de la rue Haxo.

C’est le 1er octobre 1880, aux approches de l’hiver, que fut inaugurée « la maison hospitalière pour les ouvriers protestons sans asile et sans travail. » On a voulu parer autant que possible à une lacune de la loi, qui ne fait point de distinction entre les divers genres de vagabondage, et frappe d’une peine analogue l’homme sans domicile et l’homme que ses instincts de paresse maintiennent dans la vie errante. La nuance est parfois difficile à saisir, mais elle existe et crée entre les deux catégories d’individus une différence essentielle ; mais cette différence, la justice n’en peut tenir compte, car le vagabondage, quelles qu’en soient les causes, est un délit ; elle le punit, car elle est obligée de se soumettre aux prescriptions du code. De son côté, la préfecture de police n’a ni ressources pour venir au secours des indigens, ni besogne à leur confier pour les faire vivre : elle est réduite à envoyer les condamnés à la maison de répression de Saint-Denis, ce qui est excessif dans bien des cas ; elle le sait et n’y peut rien ; elle subit la nécessité que lui impose l’absence d’établissemens officiels où l’on pourrait héberger, pendant quelques jours, les ouvriers en chômage qui cherchent du travail et n’en trouvent pas. L’initiative individuelle poussée par l’esprit de charité ouvre des asiles, institue des sociétés de patronage et s’efforce de remédier à un état de choses qui souvent n’est point équitable. Elle ne confond pas l’homme accidentellement sans asile avec le vagabond de profession ; elle les distingue, s’intéresse à celui-ci, repousse celui-là, et ne veut pas que sur ses lits hospitaliers l’un tienne la place de l’autre. Cela n’est pas facile ; on y est souvent trompé, rue Clavel comme ailleurs ; et cependant là, au fronton de la maison, l’on pourrait inscrire la devise de Philippe de Comines : Qui non laborat, non manducet ! car on n’y veut admettre que les hommes de bon vouloir, prêts à payer par le travail l’hospitalité qui leur est accordée.

Secourir la pauvreté sans encourager la paresse, subvenir aux besoins de l’indigence et savoir ne point prêter l’oreille aux sollicitations de la mendicité, c’est un problème ardu et dont la solution est pour embarrasser. La mendicité, en effet, n’est pas seulement un métier, c’est une profession ; elle prend tous les visages, elle invoque tous les prétextes, elle revêt toutes les formes pour vider les bourses à son profit ; son imagination est inépuisable ; bien souvent elle parvient à tromper les yeux les mieux exercés, et elle obtient ce