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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/680

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Faut-il préférer a ce quatrain celui qu’il composa pour lady Granville, après que lord Granville eut reçu le titre de gardien des cinq ports ?


Alors qu’au grand et noble lord
Commande en roi dans les cinq ports,
On voit pourquoi la noble châtelaine
A pour elle-même un port de reine.


Longtemps avant d’avoir des détracteurs et des ennemis à Vienne, M. de Beust en avait beaucoup à Berlin. Les Prussiens l’accusaient d’être animé à leur égard des sentimens les plus hostiles, d’avoir toujours pris parti contre eux, de s’être appliqué en toute rencontre à les contrecarrer dans leur action. Il affirme dans ses mémoires qu’il ne fut jamais l’adversaire systématique de la Prusse ; mais il se défiait de ses remuantes ambitions, de ses gros appétits, et il n’entendait pas que son petit royaume de Saxe fût mangé. Aussi éprouva-t-il un amer chagrin lorsque, en 1850, le prince de Schwarzenberg, « qui méprisait les hommes plus qu’il ne les connaissait, » renonça subitement à jouer une partie qui semblait gagnée d’avance, et refusa l’occasion que la fortune lui présentait de réduire pour longtemps la Prusse à l’impuissance : « L’Autriche avait alors en Bohême trois corps d’armée complètement équipés et accoutumés à la victoire ; 80,000 Bavarois étaient prêts à entrer en campagne, 20,000 Saxons occupaient l’Elbe jusqu’à Torgau, et en Prusse rien n’était prêt. Cela m’a été confirmé par celui qui est devenu plus tard empereur d’Allemagne et qui était alors prince de Prusse : « Vous seriez entrés à Berlin, » me dit-il, au commencement de 1851. »

Mais l’occasion fut manquée. Le prince de Schwarzenberg, par imprévoyance plus que par générosité, remit l’épée au fourreau. On avait humilié la Prusse, on ne l’avait pas affaiblie, et de ce jour elle prépara lentement, mais sûrement, sa vengeance. Quand il reçut la nouvelle que les négociations d’Olmütz avaient abouti, que la paix était assurée, M. de Beust fut pris d’une affection bilieuse : « Quelle figure avez-vous donc ce matin ? » lui dit son médecin en entrant chez lui. C’était la figure d’un homme qui savait que les occasions perdues ne se retrouvent jamais et que certaines fautes se paient toujours. Que la Prusse lui pardonne ce mouvement de bile en considération des services essentiels qu’il lui rendit quelques années plus tard, sans le vouloir et sans le savoir, par l’aveugle passion avec laquelle il travailla au démembrement d’un petit royaume du Nord ! Aussi heureux que fier de figurer dans la conférence de Londres comme plénipotentiaire de la diète germanique, il employa tous les artifices de son éloquence et de sa diplomatie à obtenir que le Holstein et le Slesvig fussent à jamais séparés de la monarchie danoise. Ce jour-là, ne lui en