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Sur l’oreiller du mal, c’est Satan Trismégiste,
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.


Quelle langue ! quel style ! I et que de mots ! et que de peine, surtout, pour ne rien dire que de bien simple pourtant et de banal, qui est que nous manquons communément de volonté. Qu’est-ce qu’il veut dire avec sa a lésine ? » Et que vient-elle faire entre l’erreur et le péché, sinon rimer avec « vermine ? » Si « nos aimables remords » signifie que nous nous complaisons dans le péché qui les traîne à sa suite, sommes-nous obligés de comprendre ? Quel rapport entre ces « mendians qui nourrissent leur vermine, » et le plaisir que nous prenons à renouveler en nous les causes de nos remords ? Quels aveux nous faisons-nous payer ? Prenez ainsi, une à une, dans ces Fleurs du mal, les pièces les plus vantées, à peine y trouverez-vous une douzaine de vers à la suite qui soutiennent l’examen ; — et un examen où il en faut venir, parce que Baudelaire est un pédant. Il reçut un jour un billet de George Sand, à laquelle il avait demandé, sans la connaître, un service, et dans ce billet on lisait : « Je vais écrire de suite. » Au bas du billet Baudelaire mit ces mots : « Remarquez la faute de français : de suite pour tout de suite. » Quand un homme est capable de pareilles chicanes, il n’y en a plus qui ne soient permises contre lui, et notamment quand les siennes ne sont fondées, comme ici, que sur une décision douteuse des grammairiens. En revanche, pour un autre reproche qu’il faisait à George Sand, celui d’avoir « le fameux style coulant, cher aux bourgeois, « il faut convenir au contraire que personne jamais ne l’a mérité moins que lui. Il détestait George Sand, pour son abondance et sa facilité.

C’est qu’aussi bien le pauvre diable n’avait rien ou presque rien du poète, que la rage de le devenir. Non-seulement le style, mais l’harmonie, le mouvement, l’Imagination, lui manquent. Pas de vers plus pénibles, plus essoufflés que les siens, pas de construction plus laborieuse, ou de période moins aisée, moins aérée, si je puis ainsi dire. Et quand il tient une image, comme il la serre, de peur qu’elle ne lui échappe ! Comme il suit ses métaphores, quand il en rencontre une, parce qu’il sait bien que des mois succéderont aux mois avant qu’il en rencontre une autre ! Il ne développe guère que des lieux-communs, et je consens qu’il réussisse quelquefois, par les moyens que l’on a vus, à les rendre plus communs encore. Mais le pouvoir qu’il n’a pas, en dépit de ses prétentions à l’originalité, c’est précisément celui de les renouveler, et de la seule manière qu’il y en ait, en remontant d’expérience en expérience, et d’âge en âge, à travers l’histoire de l’humanité, jusqu’à leur origine. Car enfin, on dirait que