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de Rome, en tant qu’elle agit comme puissance politique, doit-elle encore se préoccuper de la France ? Peut-elle espérer de vaincre l’hostilité systématique des pouvoirs actuels ? Toujours dupe de sa longanimité vis-à-vis de nous, n’a-t-elle pas le droit et le devoir de chercher ailleurs le bon vouloir que nous lui refusons ?

Certes, la fille aînée de l’église ne donne pas beaucoup d’agrément à sa mère. Nous reprochons à cette mère d’être sensible aux caresses des autres, et nous n’avons à lui offrir que des coups. Ceux qui la conjurent de patienter sont réduits à la leurrer d’espérances qu’ils ne partagent guère ; attendez, disent-ils, ce pays ne peut manquer de nous revenir, nous restaurerons tous les bons principes, nous ramènerons dans vos bras une fille repentante. Je crois voir le fin sourire des Italiens quand on leur propose ce billet à La Châtre. Je ne veux pas plaider notre cause avec d’aussi pauvres argumens. Non, rien ne fait prévoir la conversion de la France, si l’on entend par là un retour aux traditions du passé ; l’esprit sectaire et taquin ne semble pas près de disparaître dans la majorité de nos assemblées, dans les conseils de nos gouvernans. Tout présage à la religion de nouvelles épreuves. Avant de demander compte à l’église de sa politique, il n’est que juste de désavouer bien haut les erreurs de la nôtre. Si je ne m’arrête pas à cet examen de conscience, c’est qu’il a été fait bien des fois à cette place, et tout dernièrement encore par M. E. Lamy, dans un de ces écrits qui ne laissent rien à dire[1]. Je m’approprie les conclusions de son travail. Mais après avoir déploré avec lui ces folies, après en avoir prévu la continuation, j’estime qu’on peut encore montrer le lien traditionnel qui enchaîne les destinées de l’église et celles de notre pays.

Il est un premier point sur lequel tout le monde est d’accord. Dès que la France se répand hors de chez elle, elle redevient l’armée de l’église ; soldats révoltés dans la caserne, excellens au feu de l’ennemi. Et nul ne peut nous remplacer dans ce service. J’ai vu longtemps à l’œuvre, dans le Levant, les missionnaires de toute nationalité ; je viens de consulter des observateurs impartiaux, très informés du mouvement religieux dans le monde entier ; l’avis est unanime. D’autres communions chrétiennes font de louables efforts ; des catholiques d’autres races pénètrent chez les infidèles et essaient de rivaliser avec nous ; le Français seul- réussit pleinement. Je n’hésite pas à reproduire une comparaison familière que j’ai entendue ; elle rend énergiquement l’idée, c’est le principal : « Le

  1. La Politique religieuse du parti républicain, par M. E. Lamy, dans la Revue du 15 janvier 1887.