Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/875

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’âmes ; enfin, d’après une communication que nous devons au savant explorateur de la Chine, l’abbé David, toute la grande plaine septentrionale de cet empire, où plus de 100 millions d’hommes s’abreuvent exclusivement de la nappe des puits. Outre ces vastes plaines, qui représentent plus du tiers des continens, d’innombrables vallées et vallons, dont le fond contient aussi du gravier aquifère, ont eux-mêmes tout particulièrement appelé des aggrégations d’hommes. Nous pouvons donc affirmer qu’une fraction très notable du genre humain n’a pour principale boisson qu’une eau fournie par les nappes phréatiques des alluvions anciennes ou modernes.

On ne rencontre jamais de telles concentrations d’habitans dans les pays dont le sol est formé de roches granitiques ou schisteuses, sans être recouvert de matériaux désagrégés. Ces roches, ne permettent que fort difficilement aux eaux de pénétrer dans leur intérieur ; aussi les sources y sont-elles très faibles, mais en grand nombre, et la population se dissémine forcément dans de simples maisons isolées et constitue tout au plus de petits hameaux, comme en Morvan, en Limousin, en Vendée et en Bretagne. Les habitans, ainsi dispersés, diffèrent par leurs mœurs et par leur caractère de ceux que l’abondance indéfinie de l’eau souterraine a réunis et pour ainsi dire condensés en larges groupes.

Telles sont quelques-unes des influences sociales des eaux souterraines, dont l’importance n’a pas été toujours appréciée à sa valeur.


IV

Si l’on veut maintenant s’expliquer la composition chimique des eaux souterraines, il faut interroger de nouveau la constitution géologique du pays, qui souvent répond avec précision et certitude.

Les eaux n’ont pas besoin de rester longtemps dans le sol pour dissoudre et enlever aux roches des substances variées. L’analyse chimique en constate déjà des proportions très notables dans les nappes des alluvions, comparativement aux rivières voisines. Cette différence suffirait à expliquer pourquoi, en Hongrie, en Égypte, dans l’Inde, en Chine, l’eau des fleuves est préférée à celle des puits pour les usages culinaires, et pourquoi les riches habitans de Pékin envoient chaque jour, à 10 kilomètres, chercher à la rivière l’eau pour leur thé. Dans le sous-sol des localités habitées, l’eau ne se charge pas seulement de substances minérales ; les liquides des fumiers et d’autres élémens de corruption lui sont transmis par les égouts, les fosses d’aisances, les fabriques et même les cimetières. L’effet, funeste pour la santé, des substances organiques et organisées, ainsi