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soigneusement étudiées. Il y a même, dans ce travail attentif et correct, de telles traces de labeur que l’aspect s’en trouve un peu contraint et refroidi. Avant d’attaquer le marbre, M. Carlier ferait donc bien de donner plus d’aisance à ses figures et une expression plus vive à ses visages. L’Age d’or de M. Albert Lefeuvre, où l’on voit un jeune garçon, un peu lourd, faire un effort excessif pour atteindre un fruit que désire une jeune fille, de mine fort naïve, assise à ses pieds, et l’Idylle de M. Barrau, où une jeune nymphe, nonchalante et cruelle, s’amuse à livrer aux coups d’un gamin sans pitié un pauvre petit faune retenu par une ceinture, pourront devenir d’intéressans morceaux, pourvu que leurs auteurs les revoient avec soin. Pour le moment, ce ne sont que des ébauches trop sommaires pour qu’on puisse les juger définitivement et même y reconnaître toujours le talent accoutumé de leurs auteurs. Une mère distribuant du pain à ses enfans continue à nous paraître un sujet trop peu héroïque pour mériter les honneurs d’une exécution de grandeur naturelle. Le conseil municipal de Paris en a jugé autrement, et M. Alfred Lenoir l’a servi en relevant, autant que possible, l’insignifiance de la scène par la sobriété mâle de l’exécution ; néanmoins, malgré tout le talent dépensé, l’œuvre reste ordinaire. Le Rêve d’amour de M. Hector Lemaire n’est encore qu’à l’état de projet ; c’est une jeune femme assise qui se retourne, en se penchant, pour caresser un petit amour qui fait des façons. La composition est inspirée de la Fortune et de l’Enfant de Paul Baudry pour l’attitude des figures, sinon pour leur expression ; dans ce travail de transposition, M. Lemaire a ajouté quelques notes délicates sur lesquelles il devra insister pour donner à l’exécution définitive plus de saveur et plus d’originalité. L’Idylle de M. Sul-Abadie est, au contraire, déjà traduite en marbre avec beaucoup de soin. Il s’agit simplement de deux enfans, un garçonnet et une fillette, tous deux nus comme vers, ainsi qu’il sied à des enfans idylliques, qui se sont arrêtés dans un champ. La fillette s’est assise sur une grosse pierre ; le garçonnet s’est assis dans l’herbe, tout près d’elle, et, s’accoudant sur les genoux de sa petite compagne, la contemple doucement ; celle-ci, souriante et naïve, entr’ouvre d’une main les cheveux bouclés de son petit ami pour y placer de l’autre une jolie fleurette. La candeur de ces deux adolescens est tout à fait charmante ; c’est un succès populaire et bien mérité. C’est encore une aimable pastorale du même genre que la scène d’enfans imaginée par M. Cadoux. Ici, le jeune garçon s’est assis à califourchon sur la bouche d’une fontaine et tient une petite tasse pleine d’eau que la fillette, un genou en terre, semble le supplier de porter à ses lèvres ; le gamin s’amuse à la faire attendre. La disposition est ingénieuse,