juvéniles. À ces paroles : Comme David, ton serviteur, sa voix s’attendrit ; il ne commande plus, il piie, il adore. Le psaume se fortifie, s’exalte, il éclate en hurlemens de joie. Le prophète veut que ses compagnons, que la nature même bondissent en l’écoutant : Que les monts tressaillent de joie ! De note en note monte le cantique royal et religieux, et quand, ramené par une vocalise foudroyante, il retentit pour la dernière fois, quand le jour se lève sur la glace de l’étang, on pense au verset de l’Écriture célébrant le triomphe de Josué : « Il n’y a point en de jour comme celui-là, où l’Éternel ait écouté la voix d’un homme. »
Dans l’œuvre de Meyerbeer, on peut hésiter entre le Prophète et les Huguenots, et, dans le Prophète lui-même, entre le troisième acte et le quatrième, je ne sais trop lequel est le plus grand. Non, en vérité, le drame musical n’était plus à faire après la scène de la cathédrale, et par personne il n’a encore été refait ainsi. Tous les réformateurs auront beau décréter que plusieurs personnes ne doivent plus chanter ensemble, des ensembles pareils sont la charpente d’un opéra. Quelle scène que celle où Fidès, au-dessus du Domine salvum, lance son imprécation ! Quelle force dans ce double courant d’amour et de haine ! Quel contraste entre ces bénédictions et cet anathème ! Et le chœur des enfans, cette phrase simple, entonnée par des voix un peu rêches, un peu vulgaires, véritable chanson d’école apprise pour une cérémonie, est-il rien de plus pur, de plus beau ? Voilà l’épanouissement, l’apothéose du thème entendu au second acte pendant le récit du songe ; voilà l’âme musicale du drame. Avec ce rappel de la mélodie, nous retournons en arrière, et toute l’œuvre se rassemble, le héros apparaît, debout et tout entier, ici, pas de motifs ni de sous-motifs, pas de phrases numérotées, pas de petits casiers mélodiques pour classer les sentimens et les sous-sentimens ; pas de complications ni de puérilités ; mais la sobriété, la sagesse du génie.
C’est assez, et le Prophète sans doute n’a plus besoin de notre éloge. Nous l’avons loué moins pour lui que pour nous-même, pour retrouver aussi fervente l’admiration d’autrefois. Il faut de temps en temps se remettre en face des chefs-d’œuvre, et se consoler de vieillir, avec eux qui ne vieillissent pas.
L’interprétation actuelle du Prophète est passable, excellente et détestable. Nous n’en parlerons qu’aux deux premiers points de vue. Mlle Richard est une Fidès tendre ; à défaut de la puissance du rôle, elle en rend la douceur. Elle chante bien le dernier acte, après avoir pardonné : cette voix magnifique ne saura jamais tenir rigueur. On doit savoir gré à Mlle Richard de sa conscience et de sa docilité ; elle travaille, elle comprend, et corrige si vite certains détails défectueux, que, dès la seconde représentation, on n’a plus à les critiquer. — M. Plançon fait beaucoup de progrès. Il gagne en simplicité de