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s’adossant en quelque façon aux conservateurs pour faire face aux radicaux, qui, dès le premier jour, ont ouvert la guerre contre lui, et c’est là précisément ce qui fait le caractère, la nouveauté de la situation créée par les derniers événemens.

Évidemment, en effet, les radicaux ne s’y sont pas trompés. Ils ont bien compris qu’il y avait un changement peut-être plus grave qu’on ne le disait, que ce changement ne pouvait être qu’une défaite ou une menace pour leur influence. Ils s’étaient accoutumés depuis quelques années à imposer leur alliance onéreuse, à tout obtenir de la faiblesse des ministères, à s’établir en maîtres dans les fonctions, dans les commissions, à introduire leurs passions et leurs préjugés dans les affaires de l’état ; ils ont vu tout à coup une crise provoquée par eux tourner contre eux, quelques-uns de leurs représentans évincés du pouvoir, le gouvernement se reconstituer sans leur aveu, et aussitôt, avec l’âpreté des partis déçus, ils ont ouvert contre le nouveau ministère cette campagne violente, acrimonieuse qui se déroule depuis quelques semaines sous nos yeux. Ils ne se sont plus même bornés à diriger leurs coups contre le ministère, ils ont sans plus de façon mis en cause M. le président de la république, — et voilà d’un seul coup les pouvoirs publics traités en ennemis, en vulgaires réactionnaires coupables de préparer des coups d’état, d’organiser un 16 mai opportuniste ! Les radicaux veillent, comme ils le disent, et ne se laissent pas abuser ; ils savent tout, ils ont leur police, ils ont même quelquefois de l’imagination, et dans le procès qu’ils ont instruit contre M. le président de la république, contre ce malheureux ministère Rouvier, ils n’ont certes rien négligé pour faire de leur acte d’accusation un document curieux et varié. Tout y est ! Tantôt c’est un des chefs de la droite, M. de Mackau, se rendant nuitamment en tentateur à l’Elysée pour offrir son appui, et signant dans quelque réduit obscur du palais, avec M. le président Grévy, un pacte secret dont M. Rouvier sera l’exécuteur ! Tantôt c’est un rapport, toujours un rapport secret, envoyé d’Allemagne et dévoilant tous les détails de la conspiration ourdie à Berlin, avec la complicité des opportunistes de Paris, de M. Grévy, de M. Jules Ferry, pour préparer la chute de M. le général Boulanger et de ses amis de l’extrême gauche ! Tantôt enfin, c’est mieux encore, c’est le digne et éminent cardinal Lavigerie allant à l’Elysée signer, au nom du pape, un traité d’alliance, stipuler les conditions du concours des conservateurs : de sorte que M. le président Grévy et M. Rouvier sont les agens du pape et qu’on se trouve tout simplement en face d’une chaîne de conspiration dont le premier anneau est au Vatican. Il ne manquait plus, comme dernière pièce à conviction, que la visite de politesse rendue par le nonce à M. de Mackau. Pour le coup, les radicaux ont l’aveu du crime, — de la conspiration cléricale !

Voilà cependant de quelles billevesées peut se composer la poli-