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le sentiment impérial subsistant dans une politique toute moderne, qui tendait par des moyens tout modernes à façonner l’Allemagne de 1815 pour la soumettre à une même direction, à un régime unique de compression.

C’est la politique qui a régné plus de trente ans, et a même survécu à M. de Metternich, — Tant l’impulsion première avait été forte ! — qui, après avoir pris corps en 1819, n’a cessé de se développer par l’extension et les renouvellemens successifs des conventions de Carlsbad, par une action de tous les instans. Ce n’est point, sans doute, qu’elle n’ait trouvé souvent des résistances, qu’elle n’ait eu ses crises, jusqu’à la dernière qui l’a emportée. Elle n’a pas moins eu son règne, elle a su plier à son usage et à son profit tous les rouages de cette confédération dont elle a fait pendant longtemps « une association d’états contre la guerre et la révolution. » Elle avait pour elle, si l’on veut, l’autorité des traditions, les habitudes de subordination vis-à-vis de l’Autriche ; elle a eu aussi l’habileté, l’art de manier les mobiles et les intérêts. Un homme qu’elle devait rencontrer comme ennemi, qui l’avait étudiée assez pour arriver à la vaincre, M. de Bismarck, au temps où il était à Francfort, analysait avec une sagacité singulière tous les avantages qu’avait eus l’Autriche, avantage de position, avantage des relations personnelles dans l’Allemagne du Sud et même dans l’Allemagne du Nord. L’Autriche savait donner des fonctions dans sa diplomatie, des grades dans son armée, des faveurs aux enfans et aux parens de ceux qui avaient une influence dans les petites cours. Elle savait soutenir ses amis et au besoin être implacable contre ses adversaires. Elle devait ses succès à ce que M. de Bismarck appelait « un système d’envahissement poursuivi méthodiquement depuis quarante ans, qui ne procède pas par la violence, mais qui part du principe que la goutte d’eau finit par creuser le rocher… »

Depuis que le « gentilhomme de la marche de Brandebourg, » encore simple ministre prussien à Francfort, et déjà mal à l’aise dans son modeste état, parlait ainsi, tout a changé assurément au centre de l’Europe, tous les rôles se sont violemment déplacés. Cet empire d’Allemagne que les Hapsbourg n’avaient pas relevé, qu’ils n’essayaient de ressaisir qu’indirectement, un Hohenzollern l’a fait revivre dans sa réalité, et l’unité germanique rêvée par les professeurs d’Iéna est sortie tout armée du conflit des peuples. Ce n’est plus l’Autriche qui, en pesant de son influence sur les petites cours, en absorbant ou en subordonnant la Prusse elle-même, gouverne la vieille confédération, c’est la Prusse qui, en absorbant ou en excluant l’Autriche, a pris le gouvernement de l’Allemagne. C’est