du marché une hausse ou une baisse relativement à la monnaie de compte. Un spécialiste de première force va nous dire ce qui se passe quand la valeur mobile de l’espèce métallique est élevée par le commerce au-dessus de la valeur immuable du papier : « Le commerce se procure des billets de banque en portant des bordereaux d’effets à escompter. Si donc la prime sur les espèces en lingots est supérieure à la perte éprouvée par l’escompte, on ira changer immédiatement aux guichets mêmes de la Banque les billets contre des espèces qu’on revendra sur le marché, soit sous forme de lingots, soit sous forme de monnaie, selon le rapport de valeur de ces deux états de la matière précieuse. Et c’est là, en effet, ce qui arrivait autrefois, lorsque la Banque persistait à maintenir à 4 pour 100 le taux de son escompte, alors que les métaux précieux faisaient une prime de 12 à 15 pour 1,000 sur le marché. En portant des valeurs à 90 jours, on subissait un escompte de 4 pour 100 par an, soit 1 pour 100 pour trois mois ou 10 francs pour 1,000 fr., et on bénéficiait de 2 à 5 millièmes pour 1,000 francs, d’une façon absolument certaine. » Ces lignes sont copiées dans un livre qui fait autorité : le Change et la Banque, par M. Lefèvre; c’était un maître, qui lui-même avait été à bonne école : il avait été le secrétaire particulier du baron James de Rothschild.
On sait que la Banque de France, suivant une tradition d’origine et par une sorte de point d’honneur, a maintenu, sauf de très rares exceptions, le taux de son escompte à 4 pour 100, jusqu’au renouvellement de son privilège en 1857. La prime que l’on offrait à Londres depuis les envois de l’Australie s’est élevée, non pas à 12 ou 15, mais jusqu’à 35 pour 1,000. La spéculation s’élança vers cette source de bénéfices, qui s’épuisait à vue d’œil. Dans les premiers temps, le public ne se plaignait pas : l’or, qui à la vérité était en perte, entrait en quantité supérieure à la sortie de l’argent; la raréfaction de l’argent se fit bientôt sentir. En 1855, on constatait qu’un tiers de la monnaie divisionnaire avait déjà disparu ; ce qui autorise à croire que la sortie des pièces de 5 francs était beaucoup plus considérable, car on ne se décide à acheter les petites pièces pour les exporter que lorsque les écus, qui offrent plus de bénéfice, deviennent introuvables. L’irritation se propageait dans les boutiques, dans les marchés, dans les ateliers, dans les ménages, en raison du temps à perdre et des sacrifices à faire pour obtenir les appoints indispensables dans les petites transactions mille fois plus nombreuses que les gros paiemens. Les chefs d’industrie étaient aux expédiens pour la paie des salaires ; ils achetaient du billon pour régler en gros sous ; on en vit d’autres fournir une somme à un cabaretier chez qui les ouvriers étaient obligés d’aller prendre