Il y a dans toute génération littéraire un type qui ne manque jamais, celui de l’homme qui passe sa vie entière à prendre des notes en nourrissant le projet de quelque chose d’important, et meurt sans avoir écrit le premier mot du livre qui devait faire sa célébrité. Notre siècle en a compté bon nombre. Tel était, par exemple, ce journaliste distingué de la restauration, qui, après avoir promis pendant quarante ans une histoire des origines du christianisme, est mort en laissant la tâche à M. Renan, qui l’a remplie de la façon que l’on sait. Tel fut encore M. Clogenson, de son vivant magistrat à la cour d’Alençon. Il avait employé les loisirs de sa longue existence à rassembler les matériaux d’une histoire de Voltaire, et il a quitté le monde sans avoir imprimé autre chose que des notes reconnaissables au C majuscule qui les signe, plus un petit écrit épisodique sur les relations de son auteur favori avec les académies.