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Elles ordonnent qu’ils soient immédiatement remis en possession de leurs églises, de leurs cimetières et de tout ce qu’on leur a pris pendant la persécution. Ce n’est pas seulement le fisc impérial qui reçoit l’ordre de restituer sans retard tout ce dont il s’est emparé ; les particuliers eux-mêmes, à qui l’on avait fait cadeau de biens ecclésiastiques ou qui les avaient achetés, sont tenus de les rendre sans paiement. Il est vrai qu’on leur fait espérer que le trésor de l’état, si leur requête est juste, pourra les dédommager de leur perte. A la fin, nous retrouvons les considérations qui ont été déjà si longuement exposées au début. Les princes se flattent que la résolution qu’ils viennent de prendre sera pour eux une source de prospérité, et que « la faveur divine, à laquelle ils sont redevables de tant de bienfaits, continuera jusqu’à la fin à les combler, eux et leurs peuples, de succès et de bonheur. »

Tel est, dans ses parties essentielles, l’édit que Constantin et son collègue Licinius publièrent à Milan au mois de juin de l’année 313. Il faut l’étudier de près pour en comprendre toute l’importance.


I

En lisant le début de l’édit, que j’ai tenu à citer tout entier, on a dû être surpris de voir que Constantin y répète jusqu’à cinq fois, et presque dans les mêmes termes, cette idée a qu’il accorde aux chrétiens et à tous les autres la liberté de pratiquer leur religion. » Évidemment il voulait se faire bien comprendre, et il avait peur qu’on ne saisit pas sa pensée du premier coup. C’est qu’en effet il parlait un langage qu’on n’avait pas encore entendu. La mesure qu’il s’était décidé à prendre était entièrement nouvelle ; il pouvait croire qu’elle causerait une grande surprise, et il sentait le besoin d’insister pour qu’il ne restât aucune incertitude sur sa volonté.

Ce n’était pas la première fois sans doute qu’on voyait une persécution s’arrêter, et qu’après s’être lassé à poursuivre sans succès les chrétiens, on se résignait à les laisser tranquilles. Il était arrivé que les mêmes empereurs qui avaient publié contre eux les édits les plus cruels, et qui les avaient fait longtemps exécuter sans pitié, fatigués de sévérités inutiles, en promulguaient d’autres pour donner l’ordre de cesser toutes les poursuites. Mais qu’ils étaient loin d’y tenir le même langage que Constantin ! Nous avons celui de Galerius, lorsque, au moment de mourir, il voulut mettre un terme aux luttes religieuses et rendre la paix à l’empire. Il commence par reconnaître que la persécution était légitime et ne dissimule pas le regret qu’elle ait été impuissante. Les chrétiens avaient mérité d’être punis en renonçant au culte de leurs pères ; mais enfin, puisqu’on