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mieux les sauver malgré eux que de leur permettre de se perdre. » Au besoin, il enflammera la cupidité des deux princes, en étalant le spectacle des richesses que les temples contiennent encore : « Enlevez, saints empereurs, leur dit-il, enlevez tous ces ornemens ; transportez ces richesses dans votre trésor, et faites-les servir à votre utilité. » Mais son argument principal est tiré de la Bible. Il répète les sentences terribles que les livres saints prononcent contre les adorateurs d’idoles : « Celui qui sacrifie aux dieux sera déraciné de la terre, sacrificans diis eradicabitur. » Il est défendu d’avoir aucune pitié pour lui, il faut le lapider, le mettre à mort, « quand ce serait ton frère, ton fils et la femme qui dort sur ton sein. » Voilà la sentence de Dieu ; celui qui hésite à l’exécuter et à punir le coupable devient aussi coupable que lui et partagera sa peine. Au contraire, quand on obéit, on peut espérer les récompenses réservées aux élus. « C’est ainsi, très saints empereurs, que tout vous réussira, que vos guerres seront toutes heureuses, et que vous jouirez toujours de l’opulence, de la paix, de la richesse, de la santé et de la victoire. » Ces sentimens, que Firmicus Maternus exprime d’une manière si nette et si franche, étaient au fond partagés par tous les chrétiens, et les conciles s’en sont fait quelquefois les interprètes. Ils demandaient aux princes d’en finir par la force avec ce vieux culte qui s’obstinait à vivre. Nous ne voyons pas que personne en ce moment ait éprouvé le moindre scrupule à propos de ces violences. Le souvenir des persécutions, qui étaient si récentes, entretenait entre les deux partis des haines terribles. Après tout, le paganisme avait donné l’exemple de ces rigueurs ; ayant frappé par l’épée le premier, il était juste qu’il périt par l’épée. C’était une opinion répandue dans toute l’église, et sur laquelle s’accordaient ceux mêmes qui se disputaient sur tout le reste. Saint Augustin, s’adressant à ses ennemis, les donatistes, leur dit avec une parfaite assurance : « Y a-t-il quelqu’un parmi vous, comme parmi nous, qui ne félicite les empereurs des lois qu’ils ont faites pour abolir les sacrifices ? »

Avec les hérétiques et les schismatiques on hésitait davantage. C’étaient des chrétiens, et quelque désir qu’on eût de rétablir l’unité, on répugnait à les traiter aussi rigoureusement que les derniers adorateurs de Jupiter. Cependant, là aussi, l’intolérance finit par l’emporter : il parut naturel qu’une erreur de doctrine fût regardée comme un crime ordinaire et punie des mêmes peines. C’est à propos des donatistes que l’église s’y décida. Cette affaire a eu dans la suite de telles conséquences qu’il convient d’en dire un mot en finissant.

Le schisme des donatistes remontait à la persécution de Dioclétien. Parmi les mesures prises par l’empereur, une des plus