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nous paraissent appartenir en propre à Auguste Comte, et que nous n’avions pas rencontrées jusqu’ici. La métaphysique n’est donc que la forme abstraite de la théologie. Dans cette conception théologico-métaphysique, deux idées prédominent : l’une, c’est que l’homme se croit le centre du monde ; l’autre, c’est qu’il s’attribue une puissance indéfinie et illimitée sur les phénomènes. C’est la conséquence de la suprématie de l’imagination, qui jouit en effet d’un tel pouvoir à l’égard de ses fictions. Or le positivisme change en sens inverse cet ordre d’idées. L’observation est substituée à l’imagination. L’homme est déplacé du centre du monde ; son action sur les phénomènes se borne à les modifier les uns par les autres.

Dans la phase théologico-métaphysique, les astres étaient considérés comme ayant une influence immédiate sur la destinée des hommes ; en chimie, l’homme croyait pouvoir changer toute matière en toute matière ; en médecine, il croyait à la panacée universelle. De même, en politique, on a cru à l’action illimitée des combinaisons politiques et à la toute-puissance des législateurs. On a cru à la possibilité d’un état social parfait. Sous ce rapport, la politique métaphysique ou révolutionnaire ne diffère pas de la politique théologique, si ce n’est parce que l’une permet l’examen que l’autre ne permet pas. Autrement, elles croient l’une et l’autre à une panacée universelle. L’une et l’autre jugent les constitutions de tous les temps d’après leur plus ou moins de conformité avec le type qu’elles ont adopté. Elles s’accordent encore l’une et l’autre pour faire coïncider l’état social le plus parfait avec l’état de civilisation le plus imparfait : d’un côté, l’état patriarcal ; de l’autre, l’état de nature, voilà le double idéal de la politique théocratique ou de la politique révolutionnaire. Enfin, elles croient à l’absolu et cherchent le meilleur gouvernement possible, abstraction faite de tout état de civilisation.

Au contraire, la politique positive, ayant pour méthode de faire prédominer l’observation sur l’imagination, repose sur deux principes essentiels : 1° concevoir l’organisation sociale comme liée à l’état de civilisation et déterminée par cet état ; 2° considérer la civilisation elle-même comme soumise à des lois et ne dépendant pas du hasard des circonstances ni du caprice des volontés.

Pour ce qui est du premier principe, Auguste Comte montre que l’activité du corps social, n’étant que la somme des activités individuelles, ne saurait être d’une autre nature que ses élémens. Il est impossible de concevoir un système politique un peu durable qui n’investirait pas du pouvoir, dans un temps donné, les forces sociales prépondérantes dans ce même temps. L’ordre politique ne