Un petit trône et un grand-maître, Parme et Neipperg, n’est-ce pas assez pour faire le bonheur d’une femme raisonnable ?
A vrai dire, il n’y a pas de félicité parfaite dans ce qu’elle appelait « ce misérable monde. » On est souvent appelé à vivre avec des gens d’humeur indiscrète ou tracassière, et les petites cours, comme les grandes, sont troublées par des picoteries, des zizanies. « Je rencontre par-ci par-là, disait-elle, des odiosités qui me chagrinent. » Elle disait aussi : « Sans toutes ces seccatures, je serais trop contente. » Elle se plaignait de sa santé, de ses rhumatismes ; elle avait quelquefois de la peine à se débarrasser de ses engelures. En revanche, elle avait une foule de petits plaisirs sur lesquels elle ne se blasera jamais. Quand elle est à Sala, elle se promène à pied et à cheval ; elle saute des fossés. Ses amusemens de campagnarde l’enchantent ; elle dessine des jardins anglais et plante des vergers. Le soir, elle joue au billard, aux échecs, aux dames, au trictrac. A Parme, elle donne des bals qui la divertissent, quoiqu’elle ne danse plus guère, et elle fréquente assidûment le théâtre. A la campagne comme à la ville, elle continue d’aimer les bêtes ; sa tendresse se partage entre un petit chien nommé Lovely et une perruche nommée Margharitina, que lui a donnée sa sœur Léopoldine avant de partir pour le Brésil.
Au mois de septembre 1816, peu après son installation, elle avait éprouvé une vive contrariété en visitant Bologne. Cinq cents personnes s’étaient attroupées autour de sa voiture et avaient crié tout d’une voix : « Vive Napoléon le Grand ! Vive sa malheureuse épouse, l’impératrice notre souveraine ! » Ces transports d’enthousiasme, cette brusque évocation du passé lui avaient causé autant de chagrin que de dépit. Elle avait juré d’oublier, elle avait enterré ses souvenirs, et les morts ressuscitaient. « Cette vilaine populace de Bologne m’a empêchée de visiter ce que je voulais voir dans cette ville. » Peu de temps avant sa mort, Napoléon disait au général Bertrand : « Soyez bien persuadé que, si l’impératrice ne fait aucun effort pour alléger mes maux, c’est qu’on la tient environnée d’espions qui l’empêchent de rien savoir de tout ce qu’on me fait souffrir, car Marie-Louise est la vertu même. « Il était à mille lieues de se douter que cette vertueuse personne était grosse. « La Gazette de Piémont, écrit-elle de Sala le 19 juillet 1825, a annoncé d’une manière si positive la mort de l’empereur Napoléon qu’il n’est presque plus possible d’en douter. J’avoue que j’en ai été extrêmement frappée ; quoique je n’aie jamais en de sentiment vif d’aucun genre pour lui, je ne puis oublier qu’il est le père de mon fils, et que loin de me maltraiter, comme le monde le croit, il m’a toujours témoigné tous les égards. » Elle écrivait un mois plus tard : « On a eu beau me détacher du père de mon enfant, la mort, qui efface tout ce qui a pu être mauvais, frappe toujours