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dans le vide. Ils n’ont pas vu de plus que, par leurs violences, au lieu d’affaiblir le nouveau ministère, ils le fortifiaient en lui donnant une signification plus caractérisée. Tout ce qu’ils ont pu obtenir, et ils l’ont obtenu, en effet, sur certains points, a été de créer quelques embarras, quelques difficultés à un cabinet qui, par le fait, n’est pas toujours aussi hardi dans ses actions que dans ses paroles, qui, aux derniers jours de la session, s’est cru obligé de céder à des criailleries anticléricales, ou de subir une mesure qu’il n’aurait peut-être pas proposée, qu’il n’a acceptée que comme un héritage imposé.

C’est évidemment le bruit fait par les radicaux qui a quelque peu impressionné M. le ministre de l’instruction publique et des cultes dans cette médiocre querelle qui lui a été suscitée avec M. l’évêque de Grenoble. Qu’est-ce, en réalité, que cet incident dont on a fait une affaire uniquement pour embarrasser le gouvernement ? M. l’évêque de Grenoble, à ce qu’il paraît, a cru devoir replacer comme desservant dans une petite paroisse un prêtre autrefois curé à Châteauvilain, dans cette malheureuse localité qui fut, il y a quelques années, le théâtre d’un épisode tragique à propos de la clôture d’une chapelle et d’une violation de domicile. Notez bien que M. le ministre des cultes a été le premier à reconnaître ce qu’il y avait d’inoffensif dans ce fait. Il a reconnu que M. l’évêque de Grenoble avait usé de son droit, que le prêtre choisi par lui, bien que condamné à une légère peine pécuniaire pour sa participation à la malheureuse aventure de Chàteauvilain, avait eu depuis la tenue la plus honorable, qu’en arrivant dans sa paroisse nouvelle, il avait rempli tous ses devoirs et n’avait eu que des paroles de paix ; M. le ministre des cultes n’a point hésité, de plus, à convenir qu’il n’était point admissible qu’un ecclésiastique de mérite, eût-il été compromis dans une vieille affaire, pût être irrémissiblement exclu du ministère sacerdotal. Tout cela est effectivement vrai, M. le ministre des cultes l’a reconnu ; mais un député radical, à la recherche des incidens, a parlé, a interpellé. Il a saisi l’occasion d’instruire le procès de l’épiscopat, de renouveler l’éternelle déclaration de guerre au cléricalisme, d’évoquer le fantôme du « gouvernement des curés ! » C’est évidemment pour ne point être soupçonné de condescendance et pour avoir une réponse toute prête que M. le ministre des cultes a écrit à M. l’évêque de Grenoble une lettre à demi courtoise, à demi menaçante, où il se plaint surtout de n’avoir pas été consulté ; il n’a pas seulement écrit la lettre, il l’a publiée avant de l’avoir envoyée. Malheureusement, M. l’évêque de Grenoble, qui n’est pas dans le secret des tactiques parlementaires, a répondu avec une certaine vivacité, et voilà un conflit inutile de plus ! Il est bien clair que l’incident n’était rien par lui-même, qu’il aurait pu être réglé dans une demi-heure de conversation entre M. le ministre des cultes et M. l’évêque de Grenoble, qu’il ne s’est compliqué et envenimé que