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cliens qui reçoivent la sportule et qui, sans elle, ne vivraient guère. Albert Kohn avait fini par connaître chacun des individus de la troupe famélique qui sans cesse tendait la main vers le comité de bienfaisance ; il ne repoussait que les mendians de profession, accueillait les autres, ou les dirigeait vers les établissemens de commisération, dont il était un visiteur assidu. Mais entre toutes les institutions de charité juive, il s’intéressait de préférence, — sans doute parce qu’il n’y était point resté étranger, — à celles qui portent le nom de fondation de Rothschild, et qu’un décret du 8 avril 1866 a reconnues d’utilité publique. Cette fondation comprend : un service de malades adultes, un service des enfans malades, une maison de retraite pour les vieillards, un hospice pour les incurables, un service de consultations et de distributions gratuites de médicamens aux indigens, un service de secours accordés aux convalescens sortant de la maison. C’est une cité hospitalière ouverte par Israël riche à Israël pauvre, infirme et affaibli par l’âge. On peut la visiter et nous la visiterons tout à l’heure.

II. — L’HÔPITAL ET LES HOSPICES.

Aussitôt que le comité consistorial et d’encouragement put fonctionner, c’est-à-dire dès 1800, il s’occupa des soins à donner aux malades israélites ; ceux qui ne pouvaient être traités à leur domicile étaient mis en pension chez leurs coreligionnaires ; car à tout prix on voulait leur épargner l’hôpital, contre lequel ils éprouvaient et ils éprouvent toujours une insurmontable aversion. Y étaient-ils donc malmenés, exclus du bénéfice des règles de la bienfaisance et considérés comme des parias ? Non ; notre administration hospitalière n’a jamais établi aucune distinction entre eux et les autres malades. Ils n’avaient rien à redouter ni des médecins, ni des internes, ni des sœurs desservantes, mais ils étaient astreints à l’alimentation commune, et cette nourriture leur faisait horreur, car elle est impure, et ils ne pouvaient l’accepter sans prévarication. Dans la communauté Israélite, comme en toute communion religieuse, on trouve des sceptiques, des indifférens, des tièdes et des fervens. Ceux-ci, attachés par des liens indestructibles à la foi des ancêtres et à l’observance de LA LOI, se seraient laissés mourir de faim plutôt que de toucher à des alimens préparés en dehors des prescriptions imposées par Moïse ; volontiers ils eussent imité leurs aïeux, dont il est parlé au livre des Machabées, et qui « aimèrent mieux périr que de se souiller de viandes impures, ne voulurent point violer la loi sainte de Dieu et furent tués[1]. » Voilà

  1. Mach., liv. I, chap. I, vers 63 et 66.