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d’elles, datée de l’an 5558, on lit : « Jeune homme, jouis de ta jeunesse ; repose en paix dans le tombeau ; au paradis, on dressera ton lit nuptial. » Le décret impérial du 23 prairial an xii (12 juin 1804), qui prescrivait la création de trois cimetières hors de Paris, qui réglait et règle encore la matière, ne mit pas immédiatement en interdit les champs des morts israélites. Le cimetière de Montrouge fut clos le 27 septembre 1809, et celui de La Villette, le 18 février 1810. À partir de cette époque, une partie du cimetière de l’Est (Père-Lachaise) fut réservée aux juifs, sans distinction de rites. Depuis lors, les concessions exclusives de terrains aux israélites dans les cimetières parisiens se sont multipliées : cimetière du Nord (Montmartre), 1823 ; cimetière du Sud (Montparnasse), 1853, 1858, 1875, 1881 ; cimetière de l’Est, 1863, 1865 ; cimetière d’Ivry, 1875. On est loin, comme l’on voit, des deux jardinets funèbres qui suffisaient, il y a cent ans, aux besoins de la population juive ; celle-ci s’accroît tous les jours et, malgré l’hospitalité qu’on lui ménage à côté de nos morts, elle va bientôt ne plus savoir où enterrer les siens. Il faut lui faire de la place, ou plutôt lui accorder l’autorisation de quitter nos cimetières, d’en créer un où seule elle aura le droit d’entrer, de même que jadis, au temps de Salomon et de Jéroboam, seule elle avait le privilège de reposer dans la vallée de Josaphat.

Depuis que Paris, brisant le mur des fermiers-généraux, s’est étendu jusqu’aux fortifications, nos trois grands cimetières sont hors la loi ; car le décret législatif de l’an xii a spécifié que tout cimetière serait rejeté au-delà de l’enceinte des villes. Tôt ou tard les champs du Père-Lachaise, de Montmartre et de Montparnasse disparaîtront, on les fermera et on transportera ailleurs les restes qu’ils recèlent, ainsi que de 1785 à 1787 on a versé aux Catacombes les débris mal contenus dans le charnier des Innocens. Pourquoi ne pas permettre, dès à présent, à Israël d’aller dresser ses tombes sur des terrains qui lui appartiendront et qui seront sa propriété particulière, comme le petit cimetière de Picpus est la propriété de quelques familles ? Cela ne serait que conforme à la loi, car il est dit à l’article 15 du décret constitutif : « Dans la commune où l’on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d’inhumation particulier. » Le décret ajoute que, si la commune n’a qu’un cimetière, on le partagera en autant de parties qu’il y a de cultes différens. Cela est bon pour les petites villes, pour les villages, et ne peut convenir à Paris, qui, aujourd’hui, possède vingt cimetières, mais qui se comporte vis-à-vis des israélites comme pourrait le faire un simple chef-lieu de canton. J’ajouterai qu’une population de 45,000 âmes qui a ses temples, ses hôpitaux, ses