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l’époque, lady Diana Rich, fille de lord Holland, se promenant dans le parc de son père avant le dîner, se trouva, au tournant d’une allée, face à face avec elle-même ; elle mourut un mois après. Un certain ecclésiastique, du nom de Trehern, était fils d’un cordonnier ; une nuit, il avait vu le fantôme d’un des apprentis de son père assis au milieu de la chambre, et, pour comble de merveilleux, cet apprenti couchait précisément dans cette chambre, et se vit lui-même aussi. Mais toutes ces histoires de doubles doivent céder la palme à celle d’un certain médecin, du nom de sir Richard Nepier, la plus effrayante en ce genre que nous connaissions. Étant en voyage, il s’arrêta pour passer la nuit dans une certaine auberge du Bedfordshire. En entrant dans la chambre qui lui avait été réservée, il aperçut un mort étendu sur le lit, il s’approcha pour mieux regarder, et il reconnut que cet homme mort c’était lui-même.

Ce sir Richard Nepier nous est une transition naturelle pour dire de quelle étrange façon se pratiquait la médecine en Angleterre pendant le cours du XVIIe siècle. Il avait un oncle de mêmes nom et prénom que lui, qui portait le titre de docteur en sa double qualité de ministre de l’église et de médecin. « C’était, dit Aubrey, un homme d’une grande abstinence et de beaucoup d’innocence et de piété. Lorsqu’on venait le consulter, il se rendait aussitôt dans son cabinet pour y prier, puis il annonçait la mort ou la guérison du malade avec une certitude admirable. Il paraît par ses papiers qu’il conversait avec l’ange Raphaël, qui lui dictait ses réponses. Elias Ashmole avait eu tous les papiers qui concernaient sa pratique médicale pendant cinquante ans ; ils sont maintenant déposés dans la bibliothèque du musée, à Oxford. Devant les réponses à ses questions se trouve cette marque : R. Ris, qui, selon M. Ashmole, signifiait: Réponses de Raphaël. L’ange lui disait si le patient était curable ou incurable. Il y a aussi diverses questions à l’ange sur la transsubstantiation, la religion, etc., que j’ai oubliées. En voici une dont je me souviens : « Quels sont les plus nombreux des bons ou des mauvais anges? » Réponse de Raphaël : « Les bons. » Que ce docteur Nepier n’était pas une exception, mais avait, au contraire, de nombreux émules, ce petit alinéa d’Aubrey, qui suit immédiatement la citation précédente, suffirait pour le faire soupçonner : « Le docteur Richard Nepier, recteur de Lyndford, était un bon astrologue, ce qu’était aussi M. Marsh de Dunstable; mais M. Marsh confessa sérieusement à un de mes amis que l’astrologie n’était chez lui que pour l’apparence, et qu’il faisait toutes ses affaires par l’aide des esprits bienheureux avec lesquels les hommes sérieusement pieux, humbles et charitables, peuvent seuls entrer en relations, et il était un de ces hommes. Il avait cent ans à l’époque où mon ami le connut. »