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d’un septième enfant. Ce doit être un septième fils, sans filles intermédiaires, et issu d’un lit conjugal très pur. » Enfin, on faisait de la médecine par le moyen des rêves, qui indiquaient le remède que les médecins étaient impuissans à trouver, et qui guérissait toujours infailliblement le malade. C’est ainsi que sir Christophe Wren se guérit à Paris de la gravelle, en méprisant les conseils de son médecin, qui voulait le saigner à l’instar de Sangrado, et en mangeant force dattes qu’un rêve lui avait recommandées en le promenant en Égypte, où il lui montra une Égyptienne qui lui offrait ces fruits bienfaisans.

Après la peinture que nous venons de présenter, on ne sera pas surpris que la superstition ait été le fléau social le plus généralement dénoncé, et le caractère du superstitieux un des plus fréquemment tracés dans la littérature anglaise du XVIIe siècle. Robert Burton tonne contre les superstitieux; sir Thomas Browne les poursuit de ses railleries; son ami Joseph Hall, évêque de Norwich, un des hommes les plus respectables et des plus beaux esprits du siècle, en fait un portrait plein de juste dédain et d’éloquente réprobation ; la duchesse de Newcastle en trace un caractère à la façon de La Bruyère, qui n’est ni sans finesse ni sans esprit; seulement, il se trouve que le livre de Burton est un admirable répertoire de superstitions ; que sir Thomas Browne croit aux sorcières ; que son ami, l’évêque Hall, y croit comme lui, et que la duchesse de Newcastle use de ménagemens extrêmes pour empêcher qu’on la soupçonne de n’y pas croire ; et cette particularité est le complément du tableau.


IV.

La superstition est un champ immense, tellement immense que la moitié de l’histoire de l’humanité y est enfermée, et que la moitié au moins des œuvres de l’esprit humain (dans l’ordre imaginatif et de sentiment) ne sont que la végétation naturelle de cette terre à la surprenante fertilité. Aussi, des réflexions qui se pressent dans notre esprit, nous ne prendrons que quelques-unes, celles qui se rapportent plus particulièrement à ce tout petit coin du temps et de l’espace que nous venons d’explorer.

Il suffirait de cette persistance opiniâtre de la superstition pour révéler, si on ne le savait pas, que le premier, le principal, et l’on pourrait presque dire l’unique agent de la transformation politique de l’Angleterre au XVIIe siècle, a été la religion. Si cette persistance était un si grand mal, il semble que le remède était tout trouvé. La