Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/844

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séparées par une barrière presque infranchissable : mettre à part ceux qui ne peuvent être que des expéditionnaires ou des commis exacts et réguliers, et ceux qui sont capables de fournir un travail intelligent et raisonné. Celui qui écrit ces lignes a eu l’honneur de faire partie de la commission qui a publié la correspondance de Napoléon Ier ; notre président, le maréchal Vaillant, avait mis un certain nombre de sous-officiers du génie à la disposition de la commission, qui avait des milliers de copies à faire exécuter ; ces sous-officiers noua remettaient des copies d’une pureté et d’une netteté irréprochables, et souvent plus belles que l’impression la plus soignée. Combien d’anciens sous-officiers de l’artillerie ou du génie seraient bien aises de joindre à leur petite retraite un émolument de 1,200 ou 1,500 francs comme expéditionnaires dans un ministère, et borneraient leurs prétentions à conserver cette situation le plus longtemps possible ! Hâtons-nous d’ajouter, pour rassurer les bureaucrates, que la seule pensée d’une innovation fait tomber en pâmoison, que cette idée n’est pas nouvelle, et que les choses se passent ainsi et depuis longtemps en Angleterre.

Au dernier échelon de l’administration anglaise sont les copistes, c’est-à-dire les expéditionnaires, desquels on n’exige qu’une très belle écriture, la connaissance de la grammaire et de l’orthographe et une bonne tenue. Pour bien marquer qu’ils ne sont pas des fonctionnaires et ne peuvent aspirer à le devenir, au lieu d’être payés à l’année, ils le sont à la journée. Le salaire de début est de 2 shillings 1/2 ; il peut monter à 9 shillings, soit à 1,000 écus par an, s’il n’y a point intermittence de travail, mais ne peut s’élever plus haut.

Au lieu de disputer les jeunes gens aux professions civiles et de les mettre à la charge du budget sans être suffisamment renseigné sur leur valeur intellectuelle et morale, le gouvernement ne devrait prendre que des hommes tout formés, instruits et capables de fournir immédiatement un travail utile. Les expéditionnaires et les commis étant mis en dehors du corps proprement dit des fonctionnaires, le dernier échelon de la hiérarchie administrative devrait être l’emploi actuel de sous-chef, avec un traitement de début de 3,500 francs, s’accroissant par des augmentations successives. Qu’on ne se récrie pas sur ce chiffre : aux États-Unis, le traitement de début, dans l’administration fédérale, est de 1,200 dollars, soit un peu plus de 6,500 francs. Lorsqu’une de ces places viendrait à vaquer par promotion, décès ou mise à la retraite du titulaire, elle serait mise au concours, comme les postes de début dans l’administration anglo-indienne. Quand on voit quels efforts de travail et quel déploiement de talent provoquent les concours pour l’internat