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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/947

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apportant corruption des bonnes mœurs, » — et jusqu’aux marionnettes !

Cependant l’État se montrait plus rigoureux que l’Église. Charlemagne, empereur d’Occident, avait rétabli le régime de la loi romaine sur les bateleurs forains, mais sur eux seulement ; et ses successeurs, rois de France, furent plutôt bienveillans pour les comédiens, hormis Philippe-Auguste, assez rude personnage, et Louis IX, qui était Saint-Louis. Mais les parlemens ! .. Aussitôt que possible et jusqu’en 1789, ils s’en tinrent plus exactement que le clergé à la doctrine des fameux conciles ; perpétuellement, leur autorité demeura plus ferme et plus tracassière. en 1477, à Paris, pour quelques licences politiques, des Clercs de la Basoche sont condamnés aux verges, à la confiscation, au bannissement. En 1541, non-seulement les exercices des bateleurs sont interdits parce que le peuple y dépense trop d’argent (comme, de nos jours, les exercices des bookmakers), mais encore les représentations des Confrères sont suspendues, parce qu’il s’y donne des rendez-vous, u assignations d’adultère et de fornication. » (Cependant, ce n’est qu’au XVIIe siècle que les femmes, d’après le P. Lebrun, apprendront dans Georges Dandin à tromper leurs maris ! ) Enfin ces mêmes Confrères, peu après leur installation à l’hôtel de Bourgogne, reçoivent défense de jouer des sujets sacrés. — Il est vrai que ce fut un bien : le théâtre classique, qui renaissait dans les collèges, profita de cette interdiction ; il y parut assez vite, après que les Confrères eurent cédé leur scène et leur privilège à une troupe franchement profane, qui reçut d’Henri IV une subvention,.. une subvention de 1,200 livres !

Le XVIIe siècle, pour les acteurs, commence bien : la troupe de l’hôtel de Bourgogne, sous Louis XIII, devient « troupe royale des comédiens, » et passe, avec ce titre, du ressort du parlement sous le bon plaisir du roi. On sait assez quel amateur de théâtre est le cardinal de Richelieu. L’abbé d’Aubignac, son ami, écrit un Projet de réforme, où il fait aux comédiens l’honneur de les constituer en véritable communauté : — les filles ne pourraient jouer qu’avec leur père ou leur mère ; les veuves, après un an de congé et six mois de recherches, devraient se remarier ; toute la confrérie serait logée gratis autour de la salle, sous la surveillance du supérieur ou grand-maitre, qui serait sans doute l’abbé d’Aubignac. — Enfin le roi lui-même, en sa déclaration de 1641, ordonne : «… En cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions de théâtre, qu’elles soient du tout exemptes d’impureté, nous voulons que leur exercice… ne leur puisse être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. »

Mazarin succède à Richelieu, même dans son goût des spectacles. Cardinal pareillement et, de plus, Italien, il accorde une protection spéciale à ses compatriotes, régis en-deçà des Alpes comme au-delà par les coutumes de la cour de Rome, plus clémentes que celles du clergé