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POESIE

UNE MAUVAISE SOIREE

Un soir de mai, trouvant que vivre est un ennui,
Sûr du spleen de demain par le spleen d’aujourd’hui,
J’allais, le front courbé, les yeux fixés en terre,
Sur le calme trottoir d’un faubourg solitaire,
Sans voir s’ouvrir au ciel les étoiles en fleur,
Quand soudain un placard de sanglante couleur,
Auquel un bec de gaz jetait son rayon triste,
Au passage m’apprit qu’un club socialiste
Se tenait, le soir même, à vingt pas seulement ;
Et j’entrai là, conduit par mon désœuvrement.
 
Le dégoût m’arrêta sur le seuil de la porte,
Tant je fus suffoqué par l’odeur fauve et forte.

Dans la salle, un hangar au toit fumeux et bas,
— Quelque bastringue abject de filles à soldats,
Ayant encore au mur le tarif de la danse,
— S’entassait une pauvre et sordide assistance.