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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/23

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lire le manifeste rédigé par Charles-Edouard et que ses partisans répandaient déjà en Écosse ; car le grief principal allégué par le représentant de la vieille dynastie contre la nouvelle était la prédilection des princes allemands pour leur terre natale. — « Vous savez, y était-il dit, que l’électeur de Hanovre a toujours vécu en Angleterre comme dans un pays de conquête, toujours prêt à lui échapper. Les richesses des Indes et du Nouveau-Monde ne font que passer par vos mains pour tomber dans les siennes et couler dans son électorat. Il ne vous laisse que des pierres, généreux Anglais, tandis qu’on bâtit Hanovre d’or et de diamant, et la Tamise est tributaire de la Leine. »

La nouvelle de l’invasion prochaine de l’Angleterre suivit ainsi de près à Hanovre celle de la conquête de la Flandre, et en les recevant coup sur coup, suivies d’un appel auquel il lui répugnait plus que jamais de se rendre, George en éprouva un dépit qu’il ne put contenir. On le vit, dit-on, arracher sa perruque pour la fouler aux pieds et déchirer avec ses dents la dentelle de ses manchettes. Coûte que coûte pourtant, il fallait bien se résigner et regagner cette terre d’Angleterre où ne l’attendaient que des soucis. Par suite, l’accommodement avec la Prusse devenait nécessaire : c’était le préliminaire obligé de ce départ. Quand ce n’eût été que pour soustraire aux chances de la guerre l’électorat désormais sans défense, on ne pouvait laisser aux portes du Hanovre dégarni un voisin hostile et armé. George dut céder et accepter de mauvaise grâce la main que, sans plus de cordialité, lui tendait son neveu.


II

Mais s’accommoder avec la Prusse, c’était bientôt dit ; pour qu’un tel arrangement fût utile et efficace, il ne suffisait pas que Londres et Berlin s’entendissent, il fallait que Vienne aussi se mît de la partie ; rien n’était fait pour la pacification de l’Allemagne, rien non plus pour la défense de la Flandre, si Marie-Thérèse ne consentait pas, en rentrant dans les conditions du traité de Breslau, à laisser Frédéric en paix en Silésie. C’est à ce prix seulement que, n’étant plus elle-même inquiétée en Bohême, elle pourrait porter le gros de ses forces dans ses possessions des Pays-Bas, pour remplacer les troupes anglaises forcées de quitter le continent. L’ambassadeur anglais à Vienne, sir Thomas Robinson, reçut donc l’instruction de représenter à la reine la nécessité absolue de ce sacrifice, et de la menacer même d’un abandon complet si elle hésitait à s’y résoudre, de lui tenir, en un mot, un langage assez ferme pour l’y déterminer.