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Goldschmidt, président de l’Alliance Israélite, prit à sa charge le quart des frais de construction, soit 60,000 francs ; le comité de bienfaisance en donna 40,000 ; aux sollicitations de M. Zadoc Kabn, grand-rabbin de Paris, cent trente-deux souscripteurs répondirent en versant une cotisation variant de 10,000 à 100 francs ; on réunit de la sorte une somme de 255,900 francs, qui solda les dépenses de constructions et d’aménagement, dont le total s’est élevé à 254,784 francs. C’est beaucoup d’argent ; mais on ne doit point le regretter, car l’établissement est de premier ordre. Il fait honneur à M. Aldrophe, qui l’a bâti, et qui en vit l’inauguration solennelle le 4 juin 1883.

Derrière les arbres du boulevard, la maison est gaie et de bonne apparence ; elle n’a rien de l’aspect morose des prisons, des lycées, des pensionnats, dont partout l’on semble s’être étudié à rendre les abords lugubres. Les portes ouvertes dans la grille sont-elles closes ? je n’en répondrais pas. Après avoir traversé une cour sablée et qui n’est séparée des propriétés mitoyennes que par une muraille assez basse, on pénètre dans le corps de logis proprement dit. On reconnaît tout de suite l’économie de l’institution. Deux grands bâtimens isolés, reliés seulement par des couloirs de service et par un petit préau, contiennent un orphelinat et le refuge ; nous visiterons le premier et nous dirons ensuite ce que le second est devenu. Les différentes pièces dont se compose l’orphelinat, — réfectoire, dortoirs, classes, ateliers, — sont supérieures à tout ce que je connais et peuvent être offertes en modèle à des constructions futures. Parquetées, lambrissées, entretenues d’une irréprochable façon, toutes ces salles reçoivent une ample provision d’air et de clarté ; on n’a ménagé ni les hautes fenêtres, ni les larges portes, ni les dégagemens de toute sorte, ni les prises d’eau, ni les becs de gaz, ni les lavabos outillés de main de maître. J’ai entendu une inspectrice pénitentiaire se plaindre de ce « luxe, » — ce fut son mot, — et prétendre que l’on donnait ainsi aux enfans des habitudes de bien-être qu’elles ne pourraient conserver plus tard. Je n’en crois rien, et j’imagine, au contraire, que le confortable de cette installation profite à leur santé, aide à chasser les tristesses de l’internat et restera plus tard un souvenir reconnaissant du temps de leurs premières années. Dans le soin que l’on a pris de mettre ces fillettes dans un milieu à la fois sérieux, agréable et sain, elles trouvent une preuve de l’affection qui les entoure et de l’intérêt qu’elles inspirent. La saleté n’est pas indispensable aux maisons d’enseignement, comme on semblait vouloir le démontrer lorsque j’usais mes culottes sur les bancs des collèges. Jamais les demeures scolaires ne seront assez fourbies, dût-on tripler le nombre des « garçons ; » jamais les écoliers ne seront astreints à trop de propreté par ceux