Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infirmerie morale où l’on guérit les gourmes intellectuelles et où l’on rend toute santé à l’esprit. De cette façon, l’œuvre de préservation est complète ; on empêche la pauvrette de tomber, ce qui vaut mieux que d’avoir à la relever après sa chute. Malgré la précocité extraordinaire de certaines natures que j’ai eue à signaler[1], il est rare que le sort de la femme se décide avant la quinzième année, et même, comme, dans un certain monde pénible à regarder, les prescriptions du code pénal ne sont point ignorées, on peut, sans fausser la vérité, reporter à seize ans l’âge des sollicitations malsaines et des irréparables sottises. On semble le savoir à Neuilly, car parmi les 39 élèves reçues en 1885 et 1886, une seule a dix-huit ans, la plus âgée des 38 autres ne dépasse pas la quatorzième année, et 13 seulement ont plus de dix ans. Cela est d’une prévoyance sérieuse. Plus l’enfant admise à l’orphelinat sera jeune, moins elle apportera de déceptions à ses bienfaitrices et plus les résultats satisferont le cœur des mères qui se sont dévouées à cette œuvre de choix, en mémoire d’une fille que la mort a ravie à leur tendresse.

II. — L’APPRENTISSAGE.

Parmi les œuvres que protège et soutient le comité de bienfaisance israélite, j’en ai vainement cherché une qui fût pour les jeunes garçons ce que l’orphelinat-refuge présidé par Mme Coralie Cahen est pour les jeunes filles ; je ne l’ai point découverte et j’en ai été surpris. Dans les travaux de la charité juive, que l’on ne saurait trop louer, c’est une lacune. Avoir fait tant d’efforts pour arracher des Gilettes à Saint-Lazare et laisser des garçonnets achever de se pervertir à la Petite-Roquette, c’est une contradiction douloureuse à constater. L’enfance mâle d’Israël est-elle donc indemne ? la grâce céleste l’a-t-elle préservée de toute prévarication ? Je n’en crois rien. Le vice est d’essence humaine ; il ne se soucie guère des religions ni des philosophies : baptême ou circoncision, peu lui importe, il saisit sa proie dans les églises comme dans les temples, dans les synagogues comme dans les mosquées. Il sollicite l’homme et, lorsqu’il s’en empare au cours du premier âge, il faut se hâter de le lui arracher. Certes, il est moral de fermer à la femme le chemin de la débauche, mais j’estime qu’il est d’un intérêt supérieur, d’un intérêt social bien plus considérable, de protéger l’homme contre ses mauvais instincts et de le détourner du forfait. Il a existé

  1. Voyez la Revue du 15 juillet, les Associations protestantes à Paris, les Diaconesses.