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les chances favorables de la transaction proposée. Il écrivit au roi, à Torcy, à Voysin avec un redoublement de verve.


… J’ordonne à ce courrier, Sire, de faire toute la diligence possible, et je prie Votre Majesté de pardonner à mon zèle la liberté de lui dire que si Elle veut la paix, celle de Ryswick en entier avec cette augmentation que je n’aurais pas espérée, et le rétablissement total des deux électeurs, c’est imposer la loi à ses ennemis et faire une paix parfaitement glorieuse. Autrement, je ne balancerai pas à Lui dire qu’Elle peut compter sur la continuation de la guerre. Je ne sais si l’on donne M. le prince Eugène pour un comédien, mais quand gens comme nous affirment une chose sur leur honneur, on doit les croire. Pour moi, Sire, je n’imagine pas que le métier de négociateur exige tant de finesse ; on peut ne pas tout dire, mais on ne se dédit pas de certaines choses avancées avec serment ; j’ose donc Lui répondre qu’Elle peut compter les conférences rompues dans l’instant que le dernier courrier n’apportera pas un ordre de se désister du dédommagement. Je tâcherai de faire attendre le retour de celui-ci, mais je n’en réponds pas du tout.


Il écrivit en même temps à Torcy :


La paix ou la guerre sera bientôt décidée ; je ne crois pas M. le prince Eugène menteur ni si timide qu’on a voulu vous le persuader ; je sais qu’en matière de négociation, on ne doit pas tout dire ; mais quand j’aurai assuré que mon maître regarde une proposition comme un opprobre, celui qui voudra penser que je m’en désisterai m’offensera assurément. Je crois, monsieur, que le roi trouvera considérables les avantages que la crainte de la guerre force l’électeur palatin à offrir. J’espère que tout ceci finira dans quelques jours et que j’aurai l’honneur de vous voir au moins dans quinze : je souhaite que ce soit après la paix signée, quoiqu’il me paraisse que vous ne la désirez pas bien fortement.


Et à Voysin :


Vous verrez, monsieur, le terrain que j’ai gagné depuis deux jours ; mais, au nom de Dieu, comptez que c’est le dernier, et que je doute fort que le prince Eugène attende le retour du courrier, si le précédent n’apporte pas un désistement de ce maudit dédommagement qui empêche la paix ; mais encore faut-il que je traite cet article avec vous.