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à jouir d’un Printemps dans le Massachusetts ; l’auteur des Biglow Papers, l’érudit, le lyrique, le spirituel Lowell apporte dans le tableau des événemens quotidiens dont son jardin est le théâtre ces qualités de l’humoriste, du critique et du poète que l’on trouve si rarement réunies et qui chez lui, par exception, se confondent. C’est aussi l’Été dans un jardin qui tente la plume facile et le talent d’observation de Dudley Warner ; John Burroughs nous réchauffe au Soleil d’hiver et célèbre tout ensemble les Oiseaux et les Poètes. A peindre les oiseaux encore, leurs mœurs et leurs caractères, à retracer toute une série de romans et de drames ailés s’est consacrée la plume d’Olive Thorne Muller et celle de Bradford Torrey. Edith Thomas nous fait faire le Tour de l’année, de ses saisons, de ses plaisirs, des impressions qui se dégagent d’elle, note la chanson du vent et celle de l’eau courante, s’inspire pour philosopher ou pour discourir de la pluie, du beau temps, de la neige, d’un brin d’herbe. Sarah Jewett nous invite avec beaucoup plus d’autorité à la suivre dans ses Chemins de traverse ou sur la plage paisible de Deephaven[1]. Les Poèmes de Célia Thaxter retentissent mélodieusement des bruits de la mer et reflètent avec autant de vérité que de tendresse l’aspect des côtes de la Nouvelle-Angleterre.

On voit que les noms féminins sont nombreux sur cette liste, réfutant le préjugé trop répandu qui veut que les femmes aient à un degré médiocre l’intelligence de la nature. Nous serions plutôt disposé à croire que les moyens de développer cette intelligence leur manquent surtout. Ce n’est pas en vain qu’aux États-Unis un professeur illustre dans les deux mondes qui le revendiquèrent à l’envi, Louis Agassiz[2], a vulgarisé avec le charme qui lui était propre la science tant enrichie par ses découvertes ; ce n’est pas en vain qu’il associa la plus attentive et la plus dévouée des compagnes à ses travaux[3]. Les conférences qui excitèrent un enthousiasme si général, les ingénieuses écoles d’été qu’il imagina pour permettre la continuation des études d’histoire naturelle pendant les vacances, son enseignement si clair et mis à la portée de tous, son grand dessein d’élever sous forme de musée un temple qui, en attestant « les révélations écrites dans l’univers, » parlât à l’esprit des masses comme autrefois les anciennes basiliques, rien de tout cela n’a été perdu. À ces nobles esprits que les circonstances rapprochèrent dans le cénacle de New-Cambridge, Emerson et Agassiz, il faut attribuer l’élan nouveau que nous constatons chez

  1. Voir le Roman de la femme-médecin. (Revue du 1er février 1885.)
  2. Louis Agassiz, Life and Letters, edited by his wife.
  3. A Journey in Brasil, by Louis Agassiz and Elizabeth Agassiz. Boston ; Houghton, Mifflin and Co.