le puissant et délicat instrument qu’ils ont entre les mains. Dans son ensemble, dans ses traits principaux, la mobilisation a réussi. Tous ces réservistes arrachés à leurs foyers, à leurs travaux, à leurs industries, se sont rendus sans murmure, avec exactitude, et une fois incorporés dans leurs escadrons, dans leurs compagnies de guerre, ont marché comme de vieux soldats. Embarquemens, débarquemens de personnel et de matériel, répartitions des troupes et des services, tout s’est exécuté avec ponctualité, sans trouble, sans confusion. Les transports de toute sorte, opérés pendant quelques jours par la compagnie du chemin de fer du Midi, se sont faits avec autant d’ordre que de célérité, sans le moindre accident, sans interruption des services civils. Tout a marché de la meilleure façon sous les ordres de M. le général Bréart, commandant du 17e corps. Voilà le fait ! C’est un premier résultat dont il n’y a pas sans doute à exagérer la portée, qui reste néanmoins l’honneur de nos officiers, qui est fait aussi pour raffermir la confiance de la France dans son armée et dans ses chefs.
À voir comment tout marche en Europe, le trouble des esprits, la confusion des rapports, la contradiction des politiques sur les incidens qui se succèdent, sur des questions d’où dépend peut-être la paix du monde, il serait certes plus que jamais difficile de savoir ou de prévoir où l’on en viendra. Si les affaires de notre vieux continent finissent par se débrouiller, si on arrive à s’entendre entre grandes puissances qui ont des passions, des ambitions et des intérêts si différens, ce ne sera pas sans peine. Ce ne sera pas non plus la faute de ceux qui passent leur temps à déchiffrer à leur manière les énigmes de la diplomatie, à imaginer des combinaisons, à faire voyager les souverains, le tsar et l’empereur d’Allemagne pour se rencontrer, et qui, sous prétexte de tout éclaircir, de tout savoir, ne font qu’obscurcir tout. Il n’y a qu’une chose certaine, saisissable, c’est que l’Europe, reste dans une situation où tout est difficile et où ces malheureuses affaires de Bulgarie, en entrant dans une phase nouvelle, sont venues créer un embarras de plus. Comment donc se termineront-elles, ces étranges affaires bulgares qui, depuis quelques jours, donnent autant d’occupation aux nouvellistes qu’aux chancelleries ?
Évidemment, le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg, en se jetant dans cette aventure, a cédé à un mouvement de jeunesse et de témérité plus qu’à des conseils à demi prudens. Il a écouté complaisamment des hommes dans l’embarras qui avaient besoin d’un prince, et il n’a pas su résister à la tentation d’une couronne, fût-ce une couronne en Bulgarie. Il n’a vu que ce qui lui plaisait ; il ne s’est rendu compte ni de la situation intérieure du pays où il était appelé à régner ni des complications d’intérêts extérieurs qui devaient fatalement lui rendre le règne impossible, ou, s’il a tout vu, il a eu confiance en lui-même, il a compté sur la fortune qui sourit à la jeunesse. Aujourd’hui,