possible, ce que la France aurait à y gagner. Si d’autres le savent, qu’ils nous le disent. Je n’ai donc jamais visé l’Angleterre dans mes méditations. Je n’ai jamais non plus demandé à l’Angleterre d’être notre alliée. Je reconnais, avec regret je le confesse, qu’il n’y a pas entre nous assez d’affinités de race pour qu’un rapprochement durable soit possible. L’Angleterre se souvient trop de son origine saxonne. Je lui demande d’être neutre, d’écarter de son sein les espérances hostiles : mes vœux ne vont pas au-delà. J’espérais mieux avant l’année 1870. Prenons-en notre parti et accommodons à cette situation nouvelle notre politique.
Le 20 novembre 1808, après une campagne de six années passées presque constamment en croisière, le capitaine Motard reprenait enfin la route de France sur sa vieille frégate convertie en « aventurier » et sous la conduite du fameux Surcouf[1]. « Il avait, suivant le témoignage qui lui fut rendu par le Moniteur du 25 février 1809, parcouru un espace de 32,000 lieues dans les mers de l’Inde, soutenu avec succès cinq combats contre des forces supérieures et fait éprouver au commerce anglais une perte d’environ 28 millions de francs. » Hélas ! le commerce anglais n’en était pas à 28 millions près! Sa prospérité date de la guerre acharnée que nous lui avons faite. Si le commandant de la Sémillante eût fait baisser pavillon à la Terpsichore, ce seul fait d’armes sauverait plus sûrement son nom de l’oubli que toutes les dévastations sur lesquelles s’étend avec complaisance le Moniteur : le capitaine Motard marcherait aujourd’hui de pair avec Ducouédic. Il s’en fallut de bien peu que ce résultat ne fût obtenu. Dans tout combat de mer, un boulet, un seul boulet, peut faire tourner la chance. On l’a bien VII, quand l’Alabama et le Kearsage se rencontrèrent dans les eaux de Cherbourg. On le vit également, en 1871, quand le Bouvet et le Meteor combattirent, en vue de la Havane, le combat de deux nations. Aussi faut-il être juste et ne pas marchander la gloire à ceux qui font bravement leur devoir. Le combat de la Terpsichore et de la Sémillante mérite d’occuper une place très honorable dans nos fastes maritimes. Nous comptons, après tout, beaucoup de ces belles journées. Ce qui nous manque, c’est le trophée : nous ne l’emportons pas aussi souvent que nos rivaux. Ils n’ont peut-être pas notre élan, — bien que l’english pluck ait aussi sa valeur ; — nous devrions leur emprunter leur ténacité. La ténacité, c’est la qualité anglaise par excellence. Leur structure physique elle-même en porte l’empreinte. Ils ont, qu’on
- ↑ Voyez, dans la Revue du 1er février 1888, p. 613, le retour de la Sémillante à Saint-Malo.