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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/671

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et plus tard son séjour à Rome, l’ont-ils familiarisé avec quelques accessoires alors à la mode, par exemple ces ornemens à l’antique qu’il s’efforça de prodiguer à partir d’un certain moment et qui jurent avec ses compositions d’une inspiration si différente.

Il faut toutefois se garder, sur de telles présomptions, de révoquer en doute le témoignage d’un auteur d’ordinaire aussi bien informé que Vasari. Du moment où nous considérons la maison de Verrocchio non comme un atelier d’artiste proprement dit, mais comme un laboratoire, un vrai laboratoire de chimiste, les argumens qui viennent d’être produits perdent singulièrement en force. Le Pérugin a pu étudier chez ce novateur ardent, non plus l’art de la peinture, mais la science du coloris, les propriétés chimiques des couleurs, leurs combinaisons, tous problèmes qui ont sans cesse préoccupé les élèves de Verrocchio, Léonard aussi bien que Lorenzo di Credi.

Comme tous ses condisciples, le Pérugin fut plutôt un coloriste qu’un dessinateur. Ne lui demandez point des compositions brillamment imaginées, savamment combinées; la chaleur du coloris, jointe à l’expression du recueillement et de la ferveur, ce sont ses seules qualités : elles ne sont pas à dédaigner. — Le Pérugin avait probablement déjà quitté l’atelier de Verrocchio en 1475, époque à laquelle il fut question, à ce qu’il semble, de lui faire peindre la grande salle du palais public de Pérouse.

Léonard, dans ses nombreux écrits, est tellement sobre de détails sur ses affaires et sur ses relations, qu’il nous laisse ignorer si les relations inaugurées avec le Pérugin dans l’atelier de Verrocchio survécurent au départ de son condisciple. Les deux artistes eurent d’ailleurs souvent dans la suite l’occasion de se revoir, à Florence d’abord, où le Pérugin travaillait en 1482 ; puis en 1496 en Lombardie; puis de nouveau, après 1500, à Florence, où le Pérugin avait ouvert un atelier fort fréquenté. Le père de Raphaël, Giovanni Santi, a perpétué le souvenir de cette liaison dans trois vers bien connus, où il nous montre deux adolescens ayant le même âge et animés des mêmes passions, Léonard de Vinci et le Pérugin, Pietro della Pieve, peintre divin :


Due giovin par d’etate e par d’amori,
Leonardo da Vinci e’I Perusino,
Pier della Pieve ch’è un divin pittore.


Lorenzo di Andréa Credi (l459-1537), fils et petit-fils d’orfèvres, était né en 1459 ; il entra de bonne heure chez Verrocchio, chez lequel nous le trouvons à l’âge de vingt et un ans encore, recevant le modeste salaire de 12 florins par an (environ 600 francs de notre