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l’église catholique, en France particulièrement, a rajeuni la profession religieuse, l’adaptant merveilleusement à toutes les misères humaines, n’a encore qu’effleuré l’église orthodoxe de Russie. Déjà cependant se manifeste chez elle une sorte de pieuse contagion. Les religieuses se sont toujours, dans leur intérieur, occupées d’œuvres de charité. Elles tendent à leur faire une place plus large. Quelques abbesses ont fondé des hôpitaux où les malades sont soignés par la main des épouses du Christ. Il s’est même formé quelques congrégations spécialement vouées au soin des infirmes et des pauvres. La Russie est fière d’avoir, elle aussi, ses sœurs de charité ; à l’inverse de ce qui se fait à Paris, Pétersbourg et Moscou cherchent à les substituer dans les hôpitaux aux infirmières mercenaires. On ne leur fait guère qu’un reproche, leur trop petit nombre.

Elles ont beau porter le nom de sœurs de charité, ces sœurs russes ne sont pas, en général, regardées comme des religieuses. Elles ne font pas de vœux ; elles n’ont pas de règles ou de constitutions spécialement approuvées par l’autorité ecclésiastique. Ce ne sont, pour la plupart, que de pieuses femmes associées pour le soin des malades. Comme tout, en Russie, doit commencer avec un but patriotique et sous la protection du pouvoir, ces sœurs, placées sous le patronage de l’impératrice Marie Alexandrovna, ont été instituées pour soigner les blessés militaires. La guerre turco-russe de 1877-1878 ouvrit subitement à leur activité un champ immense. Des femmes du monde s’enrôlèrent parmi elles; les salons des deux capitales fournirent aux ambulances des infirmières aux mains délicates. Beaucoup avaient trop présumé de leurs forces ; elles ont rejoint leurs blessés dans les cimetières improvisés de Bulgarie. A une époque où la femme russe était tourmentée d’un vague besoin de dévoûment, pouvait-elle rester sourde à l’appel fait à sa générosité par la patrie et la pitié? Comme aux plus nobles élans se mêlent les bouffées des passions et les fumées de la vanité, la vogue mondaine, le goût des aventures, l’amour-propre même, ne furent pas étrangers à cette levée de la charité. Aussi, à dire vrai, tout ne fut pas sujet d’édification parmi ces sœurs laïques. La guerre terminée, les femmes qui avaient servi sous le brassard de la croix rouge ne furent pas toutes licenciées. A défaut des blessés de l’armée, elles se mirent à veiller les malades des hôpitaux. Leur œuvre s’est ainsi perpétuée.

La religion a beau sembler seule capable de provoquer ou de soutenir de semblables renoncemens, ces volontaires de la charité ne se sont pas toutes inspirées des exemples du Christ. Il en est qui, en partant soigner les blessés ou les malades, n’ont guère vu là qu’une manière « d’aller au peuple, » un peu moins décevante que l’apostolat révolutionnaire. Parmi les jeunes filles aux cheveux courts accourues