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solidaire, qu’ils participent à son administration comme à ses dépenses, que son oratoire leur appartient, qu’ils s’y sentent chez eux. Les curatelles de paroisses, instituées en 1864, devaient donner aux laïques orthodoxes une part dans la gestion des affaires de leur église. C’étaient une sorte de conseil de fabrique et en même temps un bureau de bienfaisance, parfois même un conseil scolaire. A l’aide de ces curatelles laïques, on comptait relever à la fois la situation matérielle et l’autorité morale du clergé. Nous ne voyons pas qu’elles aient beaucoup servi à l’une ou à l’autre. Créés d’en haut, par voie administrative, ces conseils de paroisse ont manqué de spontanéité et d’indépendance. Un grand nombre d’églises n’en sont pas encore pourvues ; là où elles existent, elles n’ont souvent qu’une existence nominale. La curatelle doit être nommée par l’assemblée de paroisse (prikhodskaia skhodka), et cette assemblée, composée de tous les habitans orthodoxes, il est souvent malaisé de la réunir. Lorsqu’on la convoque, c’est d’ordinaire pour une demande d’argent; cela seul explique le peu d’empressement du peuple. Les offrandes volontaires devaient former la principale ressource de ces conseils de fabrique; mais ces offrandes faisant défaut, on est souvent contraint d’astreindre les paroissiens à une sorte de taxe que la curatelle a grand’peine à percevoir, même pour les dépenses les plus urgentes.

Le gouvernement impérial a cherché dans l’école un autre moyen de rapprocher le peuple du clergé et de rehausser la situation du pope. Une nouvelle sphère d’activité a été ainsi ouverte à l’église. Les écoles paroissiales, confiées à ses soins, ont pris sous Alexandre III un rapide développement. Pendant que, en France, on cherchait à exclure la religion et le clergé de l’enseignement populaire, en Russie, le gouvernement appelait l’église et ses ministres à diriger l’instruction du peuple. Le comte Dmitri Tolstoï, à l’époque où il cumulait les fonctions de haut-procureur et celles de ministre de l’instruction publique, s’était déjà attaché à multiplier les écoles de paroisses, placées sous la direction du clergé local. Un moment, vers le milieu du règne d’Alexandre II, ces écoles étaient, au moins sur le papier, montées au chiffre d’une vingtaine de mille. Mais, comme il arrive souvent en Russie, où la fatigue et la négligence suivent de près l’engouement, la décadence des écoles paroissiales avait été aussi prompte que leur faveur. La plupart avaient disparu devant les écoles laïques inaugurées par les états provinciaux (zemstvos)[1]. M. Pobédonostsef s’est donné pour mission de les relever. Sous son impulsion, les écoles de paroisses ont, de nouveau, surgi de tous côtés. Aucun ministre de l’instruction publique n’a autant fait, à

  1. Voyez l’Empire des tsars et les Russes, t. II, p. 203-207 (2e édit.).