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épouse et comme ménagère. Mais en cherchant une organisation moins défectueuse, il faut éviter les mesures dont l’effet risquerait de tourner à l’encontre du but à atteindre. Limiter la journée de travail pour la femme mariée à six heures seulement, c’est, dans beaucoup de cas, exclure l’ouvrière de la fabrique ; c’est encore et c’est surtout empêcher le mariage, que remplacent alors des unions clandestines, résultat certainement contraire aux vœux des ; promoteurs des lois protectrices de l’ouvrier.

Aussi bien les démocrates socialistes, mieux pénétrés des nécessités de la vie pratique, ne demandent pas de limiter à six heures la journée de travail pour les femmes, à cause des inconvéniens de cette restriction, dans les conditions économiques actuelles. Pour retenir la femme mariée dans son ménage et pour dispenser les enfans d’un travail prématuré, les démocrates socialistes proposent d’assurer d’abord un revenu plus élevé à la famille ouvrière ou à son chef par la fixation d’un minimum de salaire. Dans le système de réglementation du travail à l’ordre du jour, la fixation du salaire minimum devient le corollaire de la journée maximum. Les partisans de cette idée assimilent la fixation du salaire légal à la réglementation de la taxe du pain ou à la législation du taux de l’intérêt contre les abus de l’usure. L’idéal socialiste vise bien à la suppression complète du salariat et à son remplacement par le système coopératif, où tous les travailleurs participeront dans une même mesure au bénéfice des exploitations industrielles entreprises en commun. Mais, provisoirement, en attendant la constitution de l’état ouvrier, les chambres ouvrières seraient chargées de fixer le minimum de salaire pour les branches d’industrie où les ouvriers reçoivent de leurs patrons une rémunération insuffisante. Or, sans aucun doute, la plupart des ouvriers, sinon tous, sont disposés à trouver leur rémunération insuffisante. Ils auront recours aux chambres le jour où elles entreront en fonctions. Admettons que les chambres ouvrières décident d’élever le taux du salaire pour une industrie quelconque, comment les patrons, les chefs d’établissemens, qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, payer le minimum fixé contre leur gré, comment ces patrons seront-ils amenés à s’exécuter envers leurs ouvriers ? Le projet de loi démocrate-socialiste prévoit bien le cas d’appel contre les décisions des chambres ouvrières, et il désigne l’assemblée plénière des chambres pour se prononcer en dernier ressort sur les plaintes. Mais, avec cette organisation, si le patron a payé, pendant un certain temps, des salaires que l’assemblée plénière des chambres reconnaisse trop élevés, on ne voit pas, dans le projet déposé au Reichstag, par quels moyens il pourrait se faire rembourser les excédens à son préjudice. Ce qui apparaît plus clairement, c’est la fermeture des