Ce n’est point, il faut l’avouer, sous de rians auspices et dans les conditions les plus heureuses que s’ouvre la session nouvelle de notre parlement. Elle commence à peine, cette courte session, qui ne peut être que de quelques semaines, qui est réservée d’habitude à l’expédition tardive et sommaire d’un budget de plus de trois milliards, et déjà elle menace de mériter autrement qu’on ne le voudrait son nom de session extraordinaire. Gouvernement et chambres se retrouvent en présence à une heure assez trouble ou s’élèvent toute sorte de nuages, toute sorte de difficultés, dans un moment où se manifeste partout, sous toutes les formes, le sentiment inquiet et maladif d’une situation profondément altérée et ébranlée.
On aurait beau chercher, rien n’est clair, rien n’est stable ; tout est obscur, tout se ressent d’une indéfinissable faiblesse des choses et des hommes. Le ministère n’a pas été sans doute emporté du premier coup dans une bourrasque parlementaire, comme on l’en menaçait ; il n’en est peut-être pas beaucoup plus solide. Il vit évidemment d’une vie précaire, ne sachant sur qui s’appuyer et où trouver une majorité, évitant de se compromettre et s’attendant à tout, restant provisoirement avec ses bonnes intentions, malheureusement assez vagues et souvent trahies. Il n’a pas, on le sent, l’autorité et la force d’un pouvoir confiant et résolu, fait pour donner une impulsion et diriger la marche : il l’a montré dès le premier jour par son attitude effacée. Les partis extrêmes, de leur côté, ne demanderaient pas mieux assurément que de renverser ce ministère à qui M. Clemenceau déclarait récemment encore la guerre à Toulon. Ils supportent impatiemment un cabinet qui a pu naître et vivre sans eux, même malgré eux. Ils hésitent cependant, ils sont revenus un peu ahuris ou refroidis au Palais-Bourbon, après tous leurs discours, leurs manifestes et leurs menaces des réunions publiques de ces dernières vacances. Ils ne sont pas sûrs du succès avec leur programme, dont les premiers articles sont l’impôt