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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/323

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surpassent en certitude et en évidence les démonstrations de géométrie. Bien plus, il dédie ses méditations métaphysiques à MM. les doyens et docteurs de la sacrée faculté de théologie de Paris. Newton repousserait également l’honneur qu’on lui fait, en montrant le scholie général qui termine le troisième livre des Principes mathématiques de la philosophie naturelle, et où il proclame que le vrai Dieu est un dieu vivant, intelligent et tout-puissant, au-dessus de tout et absolument parfait. Galilée, Laplace, le Newton de notre temps, et Cuvier, ne seraient pas embarrassés de faire des déclarations non moins décisives. Peut-être le positivisme ne les accepterait-il point ; mais quoi qu’en pense M. Auguste Comte, ces hommes de génie ne sont pas ses patrons ; ils ne sont pas avec lui en « opposition évidente » contre l’esprit théologique et métaphysique.

Dans l’ancienne philosophie, la théorie des causes finales est celle que le positivisme attaque avec le plus d’énergie et de persévérance. Sur ce sujet scabreux, l’école positiviste se prononce avec bien plus de décision que M. Claude Bernard. Ce n’est pas seulement la cause suprême qu’elle écarte sans cependant oser la nier, mais sans l’affirmer non plus ; elle écarte, même les causes secondes, quelles qu’elles soient ; elle prétend se borner à la constatation des phénomènes et de leurs lois, qui n’ont point eu, à ce qu’il parait, de législateur pour les établir et qui se sont établies toutes seules. Aristote avait proclamé hautement que la nature ne fait rien en vain ; et cette grande maxime a été répétée par la plupart des philosophes : elle est d’accord avec toutes les religions et avec le sens commun de l’humanité ; elle est même d’accord avec la vraie science, qui admire d’autant plus les phénomènes naturels qu’elle les connaît et les comprend mieux. Comme le dit Pascal : « L’esprit de l’homme se lassera plus tôt de concevoir que la nature de fournir ; » ou, comme le dit Agassiz, qu’on peut écouter même après Pascal : « La nature cache d’inépuisables richesses dans l’infinie variété de ses trésors de beauté, d’ordre et d’intelligence. » Mais les positivistes sont implacables contre la nature, ils n’y voient ni providence ni sagesse ; ils détestent une marâtre, qui répand le mal à profusion. Ils laissent donc les causes finales à la métaphysique ; elles sont un instrument sans vertu ; c’est un de ces problèmes que l’esprit humain s’était posés dans son enfance, et dont il continue à poursuivre la solution par tradition et par simple habitude.

À ces déclamations pessimistes, on peut répondre que, sans les causes finales, aboutissant à une cause souveraine, l’univers est inintelligible ; la science n’est plus qu’un amas de faits sans liaison entre eux, et, pour nous, la nature demeure plongée dans la plus profonde obscurité. Elle peut encore servir à nos besoins, comme