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empressement à s’enquérir d’un résultat qu’il regardait désormais comme inévitable. Il laissa même voir qu’il préférait conclure avec le roi de Pologne un acte séparé, pensant bien que, quand on serait décidément convaincu à Vienne qu’on n’avait plus à compter sur aucun auxiliaire, force serait de s’exécuter. Il ne se trompait pas : à l’annonce de la soumission d’Auguste, puis de l’échec de la négociation française, un douloureux conseil fut tenu devant Marie-Thérèse. Comment résister, quand on n’avait plus à attendre aucun secours d’aucun côté de l’horizon, ni de l’Angleterre irritée, ni de la Saxe écrasée, ni de la France insensible aux offres qui auraient dû la séduire ? Comment engager le combat, surtout avec un général aussi malheureux (pour ne rien dire de plus) que Charles de Lorraine, sur un territoire où Frédéric régnait et parlait désormais en maître, au milieu de populations empressées de se jeter dans ses bras ? Le cas d’extrémité prévu était arrivé, et l’ordre fut envoyé à d’Harrach de céder à la nécessité ; mais l’impératrice ne voulut pas l’écrire elle-même : ce fut Bartenstein qui le rédigea dans des termes laconiques où le regret était aussi visible que le dépit. Puis le courrier était à peine parti qu’un autre était expédié à sa suite. La princesse, craignant que, dans un accès de découragement, son envoyé ne dépassât ses instructions, lui rappelait que les stipulations de la convention de Hanovre étaient l’extrême limite de ses concessions, et que, si on lui demandait d’y ajouter même une ligne, il devait rompre à l’instant l’entretien et ordonner la reprise des hostilités ; puis, faisant revenir Vaulgrenant sur-le-champ, en passer sans discussion par toutes les exigences de la France. D’Harrach, très contrarié du premier ordre, un peu consolé par le second, se rendit enfin à Dresde, le 22 décembre, espérant au fond de l’âme que le vainqueur, exalté par son succès, se laisserait aller à former quelque prétention nouvelle, ce qui permettrait de tout remettre en question.

Mais ce fut un plaisir que Frédéric n’eut garde de lui faire ; au contraire, dès que l’envoyé autrichien fut annoncé, il se vit accueilli à bras ouverts ; et le point principal, l’abandon de la Silésie une fois concédé, tout ce qu’il put demander, — reconnaissance immédiate de François Ier comme empereur, — garantie réciproque des états allemands des deux couronnes, — maintien de toutes les limites posées par le traité de Breslau : Frédéric accorda tout, allant même au-devant avec une grâce protectrice et une coquetterie ironique. D’Harrach, sentant la malice (d’autant plus qu’il était, à ce qu’il parait, grand railleur lui-même de son naturel), ne pouvait cacher son dépit d’être si bien reçu : — « J’ai passé une heure et demie, écrivait-il, avec le roi de Prusse dans son cabinet ; il m’a