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vont jamais assez vite, et qui, à force de courir, pourraient bien renverser la machine, si on les laissait faire. L’expérience les a peu instruits, quoiqu’elle ait été sévère.


Alexandre avait chargé Richelieu de sonder le terrain à la cour de France, en vue d’un projet de mariage entre le duc de Berry et sa sœur la grande-duchesse Anna Panlovna. Le projet échoua, et le duc de Berry épousa une de ses cousines des Deux-Siciles. Au reste, la Russie n’était guère en faveur auprès de la première restauration. Louis XVIII avait exprimé publiquement sa reconnaissance au régent d’Angleterre, mais il croyait n’en devoir aucune au tsar. Pendant le séjour de celui-ci à Paris, il avait affecté à son égard l’étiquette et les prétentions d’un Louis XIV. Au congrès de Vienne, Talleyrand n’usait de l’influence que la force des choses rendait à la France que pour contrecarrer les vues d’Alexandre. On a beaucoup admiré l’habileté du fameux diplomate ; mais on ne peut nier qu’elle fut employée alors non dans un intérêt national, mais dans un prétendu intérêt dynastique. Alexandre souhaitait alors réunir sous son sceptre la totalité de la Pologne, ce qui eût été très heureux surtout pour la Pologne ; la Prusse consentait à lui céder ses provinces polonaises et à ne pas s’établir sur la rive gauche du Rhin, à la condition qu’on lui laissât annexer la totalité du royaume de Saxe. Rien n’eût été plus avantageux à notre pays que cette triple combinaison ; c’est pourtant à la combattre que la diplomatie de Talleyrand épuisa toutes ses ressources ; il se rapprocha de l’Autriche et de l’Angleterre, qui étaient alors les deux puissances les plus décidées à nous ôter tout moyen de relèvement ; il signa avec elles un traité secret, en vertu duquel, si la guerre sortait des prétentions de la Russie, c’est celle-ci que nous aurions eue à combattre. Tout autre était la politique que Richelieu cherchait dès lors à faire prévaloir à Paris : on voit, par une lettre de l’ambassadeur de Russie auprès de Louis XVIII, que le duc aurait voulu éloigner du Rhin à la fois la Prusse et l’Autriche, réaliser une entente cordiale entre la France et la Russie, employer leur effort commun à protéger les petits états menacés par les convoitises des deux grandes puissances germaniques. Malheureusement, Richelieu, à part son nouveau titre de pair de France, n’avait alors aucune situation officielle. « Je n’avais aucune part aux affaires, écrira-t-il plus tard : le public m’y fourrait toujours, mais la cour jamais. » L’influence de Talleyrand et de Fouché restait prépondérante.

Tout à coup éclate à Paris la nouvelle du retour de Napoléon. Le roi s’enfuit ; le duc l’accompagne, faisant soixante-douze lieues en cinq jours sur le même cheval. « J’ai vu, écrivait-il indigné à Langeron, j’ai vu ces infâmes soldats crier aujourd’hui Vive le