civilisation ou à ce qu’on appelle à Munich le perfectionnement social. Il est tenu de veiller sur les intérêts des classes souffrantes, d’accroître la richesse de la nation par de sages mesures économiques, d’augmenter la valeur de l’individu en s’occupant de son éducation, de créer une aristocratie de l’intelligence en fondant des universités, en protégeant les lettres, les arts et les sciences. Glaucon, puisque tu veux gouverner Athènes, acquiers au préalable toutes les connaissances nécessaires pour devenir un grand diplomate, un juriste presque infaillible et un réformateur très éclairé. »
L’homme d’état, tel que le conçoit M. de Holtzendorf, serait un homme universel, et les hommes universels sont infiniment rares. On connaît de grands ministres qui, après avoir excellé dans la politique du dehors, se sont montrés inférieurs à eux-mêmes dans la politique du dedans, et ont compromis le repos public par leurs préjugés ou leurs passions. D’autres, très exercés dans le maniement des partis, ont manqué l’occasion d’agrandir leur pays ou n’ont pas su discerner les réformes utiles des réformes dangereuses. Mais ce qu’ils ont fait suffit à leur gloire, et pour mériter le nom de grand homme d’état, c’est assez d’avoir fait preuve d’une aptitude exceptionnelle pour la diplomatie, ou d’avoir rétabli la paix dans une époque troublée, ou enfin d’avoir en le courage de réformer des abus nuisibles et l’art de rajeunir ou de remplacer des institutions vieillies.
Qu’un homme d’état s’adonne de préférence à la politique du dehors ou à la politique du dedans, il doit savoir beaucoup de choses. « Il peut d’autant moins se passer de science, dit M. de Holtzendorf, que dans nos pays civilisés les relations de la vie sont plus compliquées, et qu’il dispose lui-même de moins de loisir pour régler ses entreprises d’après ses observations personnelles… Un heureux coup de main exécuté par un officier ignorant ou le pur hasard qui a permis une fois à un incapable de gagner le gros lot à la loterie de la guerre sont de faibles titres à notre confiance. La biographie des grands généraux et des grands hommes d’état modernes témoigne des vastes et profondes études qui avaient préparé leurs plans et leurs entreprises et de la judicieuse application qu’ils ont su faire de l’expérience acquise par leurs devanciers. « Mais l’étude toute seule ne suffit pas, et M. de Holtzendorf en convient ; il estime que la politique est à la fois un art et une science. J’aimerais mieux dire que, comme la médecine, elle est un art savant. L’histoire ne se répète jamais, et ses enseignemens sont souvent trompeurs. Un homme d’état serait bien naïf s’il se disait : « Dans un cas tout semblable au mien, Pitt recourut à tel expédient ; faisons comme lui, je m’en trouverai bien. » Les circonstances varient sans cesse et les cas se diversifient à l’infini. La politique ne sera jamais qu’une science conjecturale. On a défini la doctrine des probabilités l’ensemble des règles par lesquelles on calcule le nombre de chances