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ses lieutenans, il faisait loyalement valoir leurs services et leurs droits à des récompenses justement méritées. A la fin de mai, les généraux Changarnier et La Moricière furent nommés, le premier commandeur, le second officier de la Légion d’honneur ; le colonel Bedeau fut promu maréchal-de-camp ; le duc d’Aumale lui succéda au commandement du 17e léger.


IV

Parallèlement à l’expédition de Takdemt et de Mascara, la division d’Alger avait fait avec aussi peu de difficultés et autant de succès la sienne. Partie de Blida, le 18 mai, sous les ordres du général Baraguey d’Hilliers, elle avait, par Médéa et Berouaghia, gagné au sud Ksar-el-Boghari et Boghar, qu’elle avait détruits le 23, et, plus à l’ouest, Taza, qu’elle atteignit le 25, le jour même où la division d’Oran atteignait Takdemt. Ainsi, trois des grands établissemens d’Abd-el-Kader subirent en quarante-huit heures le même sort.

Au-dessus de la porte de Taza était gravée sur une plaque de marbre l’inscription suivante, qui fut envoyée à Paris : « Bénédiction et faveur sur l’envoyé de Dieu ! Louanges à Dieu ! Cette ville de Taza a été construite et peuplée par le prince des croyans, notre seigneur El-Hadj Abd-el-Kader (que Dieu le rende victorieux ! ). Lors de son entrée, il a rendu témoignage à Dieu de ses œuvres et de ses pensées, et alors il a dit : Dieu m’est témoin que cette œuvre m’appartient et que la postérité m’en conservera des souvenirs. Tous ceux qui se rapprocheront de moi et qui apparaîtront sur mes terres prospères, recherchant avec empressement la paix et la tranquillité, trouveront après moi et jusqu’à l’éternité l’exemple de mes bonnes œuvres et de mes bienfaits. »

Si fière et sitôt démentie, que valait cette inscription au prix de ces quelques mots français tracés à la hâte sur le mur d’un cachot ? † 55 prisonniers et un capitaine sont partis le 13 mai 1841 où ne savons pas. — Le 13 mai 1841, dix heures, sans savoir où nous allons à la grâce de Dieu. « Tout un drame, dit avec une généreuse émotion le capitaine Blanc dans ses Souvenirs d’un vieux zouave, tout un drame était enfermé dans ces lignes grossières. Cette croix qui les commençait et ces mots A la grâce de Dieu qui les terminaient sont d’une grande éloquence. La confidence que le pauvre soldat adresse à des amis inconnus, qui ne la liront peut-être jamais, débute par le signe de la résignation et finit par un cri d’espérance. » Dieu l’a entendu.

Un événement extraordinaire et de favorable augure venait de se passer dans la Mélidja. Sous le gouvernement du maréchal Valée, un