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reconstruction d’un de ces postes suppose donc une entente préalable entre ces deux administrations, et quiconque est un peu au courant des affaires parisiennes sait que pareille entente est toujours longue à établir. Puis il y a la question d’argent, et, pour un objet aussi vulgaire, il ne serait peut-être pas très facile de dénouer les cordons de la bourse tenue par le conseil municipal. Aussi faut-il ne pas se montrer trop ambitieux et renoncer au projet qui avait été conçu sous l’empire, et qui, du reste, n’avait jamais reçu même un commencement d’exécution, de construire dans chaque quartier un bâtiment ad hoc où seraient concentrés tous les services relatifs à la sécurité publique : commissariat de police, postes de sapeurs-pompiers, poste de police, violons, etc. Mais à chaque renouvellement de bail, à chaque construction d’un poste de police nouveau, la préfecture de police devrait exiger que la préfecture de la Seine lui livrât un local comprenant au moins, outre deux violons suffisamment spacieux affectés aux hommes et aux femmes, deux cellules spéciales réservées, l’une pour les enfans, l’autre pour les personnes appartenant à une catégorie sociale un peu supérieure. On ne saurait, en effet, sans les exposer à des périls dont je pourrais citer des exemples, enfermer des enfans avec des adultes ; et, quant à l’impossibilité morale d’enfermer dans le même espace de quelques mètres carrés, pour vingt-quatre ou quarante-huit heures, des individus qui n’appartiennent pas au même milieu social, on me permettra de l’établir par une anecdote. J’avais pris, une certaine nuit, rendez-vous avec le commissaire de police d’un quartier excentrique pour quelques visites que nous devions faire dans sa circonscription. Lorsque j’arrivai, vers minuit, au poste où nous devions nous rejoindre, j’appris qu’il avait dû s’absenter, ayant été requis pour un constat d’adultère. Peu de temps après il revenait, en effet, ramenant sa capture, une petite femme assez jolie, dont je crois voir encore le mantelet noir et le chapeau rose mal rattaché. Je me fis conter son histoire. C’était la femme d’un gros marchand du quartier, que son mari avait fait surprendre en flagrant délit d’adultère avec un ténor de café-concert. Or il se trouvait précisément que, dans le violon réservé aux femmes, on venait d’amener une prostituée arrêtée sur la voie publique en état d’ivresse. Comment faire subir un pareil contact à cette malheureuse femme, qui pleurait à sanglots ? Après délibération, le commissaire de police lui offrit galamment son propre fauteuil de bureau, et elle acheva sa nuit dans le poste des gardiens, où elle put méditer tout à son aise sur la jalousie des maris et le danger des ténors. Mais tous les commissaires de police ne sont pas tenus à autant de galanterie, et peut-être n’est-il