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Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/852

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L’Académie se réunissait deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, de trois heures à cinq heures. Ce fut à la séance du 1er juin 1768 que Lavoisier vint siéger pour la première fois ; sa puissance de travail, l’universalité de ses connaissances, le firent aussitôt charger de nombreux rapports : sur l’aréomètre de Cartier, la théorie des couleurs, les lanternes de Dufourny, les soufflets à chute d’eau, etc. ; et, pendant vingt-cinq ans, il fut un des membres les plus actifs de cette Académie, à laquelle il donna la primeur de ses grandes découvertes, et dont il devait plus tard défendre avec une ardeur indomptable les droits et l’existence.

Au commencement de 1769, il s’occupa d’une question qui intéressait vivement les Parisiens. L’ingénieur Deparcieux, préoccupé de fournir à Paris de l’eau potable de bonne qualité, avait longtemps cherché le moyen de dériver les sources voisines et, après des études approfondies, avait proposé d’y amener les eaux de l’Yvette, qui prend sa source près de Lonjumeau et se jette dans l’Orge. Le projet fut accueilli avec enthousiasme par les Parisiens, mais Deparcieux mourut en 1768, et, peu de temps après, un carme déchaussé, le père Félibien de Saint-Norbert, attaqua vivement son projet. Lavoisier en prit la défense, en s’adressant non aux hommes de science, mais surtout au public et aux administrateurs de la ville. Il fit insérer au Mercure de France le mémoire qu’il avait lu à l’Académie le 15 juillet, et où il démontrait l’inanité des critiques du père Félibien. L’Académie le chargea alors d’examiner le travail de M. d’Auxerois, qui sollicitait le privilège de l’établissement d’une pompe à feu pour élever et distribuer les eaux de la Seine. Lavoisier lui présenta, l’année suivante, un long mémoire où il étudiait en détail les frais d’établissement des pompes à feu[1]. Ainsi aucun sujet ne lui était étranger ; il touchait à toutes les questions avec la même clarté de vue, la même précision de raisonnement. Ses travaux ne furent pas sans influence sur les décisions de l’administration, qui se prononça pour l’exécution des plans de Deparcieux[2].

  1. OEuvres complètes, t. III, p. 208 et 227.
  2. L’état des finances de la ville ne permit pas de réaliser le plan de Deparcieux, dont un arrêt du conseil avait confié l’exécution à Péronnet et à Chezy : le devis s’élevait, en effet, à 8 millions. La question ne fut reprise qu’en 1786, époque à laquelle un ancien capitaine d’artillerie, M. de Fer de La Nouerre, proposa un plan un peu différent et plus économique ; les travaux, commencés en 1788, furent suspendus l’année suivante et définitivement arrêtés par les événemens de la révolution. (Belgrand, les Anciennes eaux de Paris, p. 305 et suiv.)