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créeront pas de difficultés dans toutes les affaires où l’ordre public est en jeu, ils le soutiendront, comme ils l’ont soutenu jusqu’ici, dans les circonstances essentielles ; mais ils sont dès ce moment disposés à combattre quelques-uns des projets ministériels. A leur tour, les réformistes, conduits par le général Lopez Dominguez, par M. Romero-Robledo, menacent le cabinet de leur hostilité. Et comme les questions qui divisent les esprits ne manquent pas, il n’est pas impossible qu’un jour ou l’autre, sur un point habilement choisi, l’opposition trouve des alliés jusque dans le camp ministériel lui-même. C’est ce qui peut arriver à l’occasion des réformes militaires dont le ministre de la guerre, le général Cassola, a pris l’initiative, qui soulèvent de vives répugnances dans tous les partis, qui de plus feraient peser une lourde charge sur les finances de l’Espagne déjà assez embarrassées. C’est ce qui peut arriver encore à l’occasion.d’une proposition que le chef du parti conservateur, M. Canovas del Castillo, vient de faire pour remédier à la détresse agricole et industrielle du pays, par un relèvement de tarifs sur les céréales étrangères. C’est ce qui peut se produire à tout moment à propos des désordres administratifs de Cuba ou de Porto-Rico, de la politique un peu décousue suivie au Maroc, des interpellations qui vont se succéder au congrès. Il en résulte, au début de cette session nouvelle, une situation quelque peu tendue, tout au moins assez difficile, où la monarchie n’est plus en cause, mais où le ministère de M. Sagasta peut être emporté à l’improviste par une bourrasque d’opposition.

Et au-delà de l’Atlantique, les États-Unis ont, eux aussi, leur saison politique avec la réunion de leur congrès, avec le message annuel de leur président. La grande république fait ses affaires à sa manière, dans les conditions qui lui sont propres, sans s’inquiéter de ce que font les autres, de ce qu’on pense en Europe. Dans la libre et puissante vie qu’elle s’est créée, elle a assurément ses violences et ses incohérences ; elle n’est pas à l’abri des corruptions, des explosions anarchiques. Elle se défend quand il le faut, même quelquefois brutalement. Il n’y a que quelques jours, sans écouter les conseils humanitaires de nos bons radicaux français, les républicains américains n’ont point hésité à laisser peser la lourde main de la justice sur les instigateurs de meurtre de Chicago, sur des anarchistes qui avaient poussé à l’assassinat de quelques policemen. Les Américains donnent beaucoup à la liberté, à l’initiative individuelle ; ils sont d’autant plus implacables parfois dans leurs répressions. Ce n’est qu’un incident pour une nation toujours occupée à faire énergiquement et grandement ses affaires.

Une des choses les plus curieuses, les plus instructives, est certainement l’histoire financière des États-Unis depuis vingt ans, cette