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L’invitation formulée au nom des plénipotentiaires[1] était sèche. Il semblait que la Prusse n’apparaîtrait au congrès qu’en qualité de Signataire du traité du 13 juillet 1841, et que son rôle se réduirait à sanctionner les modifications apportées à la convention sans sa participation. Le comte Walewski eut l’attention délicate et spontanée de relever le cabinet de Berlin d’un acte disgracieux, blessant pour son amour-propre. Il joignit à l’invitation une dépêche confidentielle, atténuante et explicative[2]. La Prusse était délivrée de légitimes anxiétés; elle allait enfin entrer au congrès, non par un humiliant couloir, uniquement pour sanctionner la convention des détroits, en sa qualité de signataire, mais la porte ouverte à deux battans, comme grande puissance, pour participer à la conclusion de la paix. Elle ne ménagea pas à l’empereur et à son représentant l’expression de sa reconnaissance. « M. de Manteuffel, écrivait M. de Moustier au comte Walewski, a été particulièrement sensible à l’attention que vous avez eue de m’adresser une dépêche explicative et à la confiance que je lui ai témoigné en la lui faisant connaître confidentiellement. Quoique peu expansif d’habitude, le ministre m’a témoigné une chaleureuse reconnaissance pour l’invitation, en y ajoutant beaucoup de remercîmens pour vous et pour moi. Quelques instans avant, le colonel de Manteuffel était revenu de Vienne, très peu satisfait du langage qu’on lui avait tenu lors de son départ et qui lui avait laissé l’impression que la Prusse ne serait pas admise au congrès. Le comte de Hatzfeld avait écrit de son côté au ministre que lord Clarendon était arrivé à Paris de fort mauvaise humeur et particulièrement monté contre la Prusse. Le président du conseil a donc été très agréablement surpris en apprenant que toutes les difficultés étaient levées et que la chose était faite grâce à nous. Je lui engagé à partir le plus tôt possible, et c’était également son désir, mais la gravité des affaires intérieures, compliquée

  1. Le comte Walewski au marquis de Moustier. — « Dans sa réunion de ce jour, 10 mars, le congrès a décidé que la Prusse, signataire de la Convention du 13 juillet 1841, serait invitée à participer à ses travaux. J’ai l’honneur de vous adresser un extrait du protocole dont je vous prie de donner communication au gouvernement prussien. La démarche que vous êtes chargé de faire constituera l’invitation que le congrès a résolu d’adresser à la Prusse. »
  2. Dépêche confidentielle, 10 mas 1856. — « L’extrait du protocole pourrait être interprété dans un sens restrictif et donner lieu à penser que la Prusse est exclusivement invitée à conclure l’acte destiné à remplacer la convention des détroits. Bien que nous n’ayons pas mission de nous en expliquer, je crois devoir toutefois ne pas vous laisser ignorer que telle n’est nullement l’intention, qu’il sera remis aux représentans de la Prusse immédiatement copie de tous les protocoles des séances qui auront précédé leur arrivée, et qu’ils seront naturellement appelés à signer le traité de paix. Je vous autorise à fixer confidentiellement le baron de Manteuffel sur le sens de la décision prise par le Congrès. »