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Je ne dirai rien du régime des accusés. Je ne pourrais, en effet, que me répéter en constatant à nouveau la contradiction qui existe entre le régime des accusés du sexe masculin, séparés des prévenus comme le veut la loi, dans la prison cellulaire de la Conciergerie et le régime des accusées du sexe féminin, mélangées avec les prévenues dans le quartier commun de Saint-Lazare. C’est la même contradiction, aussi injustifiable et aussi choquante. Quant au régime des condamnés, il offre, à défaut d’autre, l’intérêt de la diversité. Il n’y a pas moins, en effet, de trois systèmes différens appliqués aux condamnés dans les prisons de la Seine : la promiscuité de jour et de nuit à Saint-Lazare et à Sainte-Pélagie, la promiscuité de jour avec isolement de nuit à la Grande-Roquette et dans une moitié de la maison de la Santé, enfin l’isolement de jour et de nuit dans l’autre moitié de cette même maison de la Santé. On ne reprochera pas du moins au système pénitentiaire français de pécher par esprit d’uniformité et de manquer d’éclectisme.

Finissons-en d’abord avec cette sentine parisienne qui s’appelle la prison de Saint-Lazare. Je laisse de côté cette grande division affectée aux femmes inscritesv sur les registres de la police, qui y sont détenues ou soignées administrativement. Ce n’est pas que la coexistence dans la même prison de deux quartiers si différemment peuplés soit sans présenter de sérieux inconvéniens. Il n’est pas bon de rapprocher ainsi des prostituées les condamnées de droit commun. Mais l’organisation du quartier des prostituées soulève des questions de police et d’assistance qui nous entraîneraient trop loin. Restons donc dans le quartier des condamnées. Nous y retrouvons la même division assez récemment introduite par un nouveau directeur, que nous avons déjà rencontré au quartier des prévenues, entre les condamnées ordinaires et celles qui sont de plus inscrites sur les registres de la police. Il y a, comme on peut penser, beaucoup de ces dernières qui se rendent coupables de délits de droit commun : ivresse, outrage, complicité de vol, etc. On a soin de les mettre dans des ateliers différens. Les unes et les autres sont au reste revêtus du même costume grossier, dont la parité est une rude épreuve pour beaucoup de détenues habituées au raffinement de l’élégance parisienne. Elles sont astreintes à la même règle du travail et du silence. Cette dernière règle est, au reste, illusoire. En réalité, ce qui est prohibé, c’est la conversation bruyante ; mais il est impossible d’empêcher les propos échangés à voix basse, surtout dans les ateliers où les femmes travaillent à la mécanique, étroitement serrées les unes contre les autres. On peut penser quelle est la nature des confidences qui s’échangent entre elles, des influences qui s’exercent et des relations qui peuvent se nouer. À supposer même qu’un silence rigoureux pût être obtenu à l’atelier,