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serait pas disposé en vue de ce nouveau système. Mais la révolution de février, en tournant d’un autre côté les préoccupations de l’opinion publique, mit un terme à ce mouvement, que l’avènement du régime impérial devait arrêter complètement. On put s’apercevoir à cette époque qu’un mouvement en sens contraire s’était même opéré dans les esprits, un peu effrayés peut-être par les excès auxquels les adeptes du système cellulaire s’étaient laissé entraîner. Personne ne s’émut,— il est vrai qu’en 1853 on ne s’émouvait pas de grand’chose, — d’une circulaire par laquelle le ministre de l’intérieur, M. de Persigny, détruisant l’œuvre de ses prédécesseurs, substituait au système de l’emprisonnement individuel celui de la séparation par quartiers. En même temps, des publications aux allures scientifiques et officielles à la fois battaient en brèche l’idée même du système, et affirmaient sur la foi de chiffres erronés que la solitude conduit les prisonniers au suicide ou à la folie. Cette même opinion publique, qui s’était passionnée pour le système cellulaire, se laissa convaincre par une affirmation banale : « Le système cellulaire rend fou. » Cette idée préconçue fut une des principales difficultés auxquelles vint se heurter, en 1875, le petit groupe d’hommes qui, soucieux du déplorable état de nos prisons départementales, proposèrent à l’Assemblée nationale de commencer par la transformation de ces prisons la réforme de notre système pénitentiaire. C’est à deux d’entre ces hommes que revient surtout l’honneur d’avoir combattu efficacement un préjugé aussi tenace et fait taire les scrupules de beaucoup de bons esprits : à M. Voisin, aujourd’hui conseiller à la cour de cassation, et à M. le sénateur Bérenger. M. Voisin avait entrepris à travers les prisons de la Belgique et de la Hollande un consciencieux voyage, durant lequel j’ai eu l’honneur d’être son compagnon. L’expérience de nos voisins lui a permis de démontrer, dans un substantiel rapport, la parfaite innocuité de l’isolement prolongé pendant plusieurs années. M. Bérenger a fait la même preuve d’après l’expérience, plus restreinte, il est vrai, poursuivie en France dans les prisons de la Seine, et il a démontré victorieusement que l’emprisonnement cellulaire n’avait pas à son compte un plus grand nombre de cas de folie que l’emprisonnement en commun. Son rapport préliminaire à la loi de 1875 et celui de M. Voisin constituent en quelque sorte les pièces à conviction de la législation nouvelle qui a soumis au système cellulaire les prévenus, les accusés et condamnés à un an de prison et au-dessous. J’ai déjà expliqué les raisons qui ont paralysé en quelque sorte la mise en pratique de cette législation. Mais, dans les trop rares prisons où elle a été appliquée, l’expérience a été pleinement satisfaisante. La preuve en est dans la collection